Pour une politique de l’offre agricole
Le monde agricole souffre en France des mêmes maux que le reste du monde économique, à savoir une fiscalité de production contreproductive qui dégrade en profondeur la compétitivité, à rebours du cliché d’une France appliquant une « politique de l’offre ». Chronique par Cécile Philippe, présidente de l’Institut économique Molinari, publiée dans Les Échos.
Après des mobilisations agricoles historiques début 2024 et une conjoncture difficile pour certaines filières ces derniers mois, la crise dans le monde agricole est loin d‘être finie. Le secteur souffre d’un réel manque d’attractivité, ce qui n’empêche pas un tiers des personnes interrogées dans un sondage Ifop 2023 de considérer les agriculteurs comme des « assistés ». Nombre de nos concitoyens pensent qu’ils sont extrêmement subventionnés, en dépit des aménagements voire durcissement de la Politique agricole commune (PAC) destinés à promouvoir des standards plus qualitatifs d’un point de vue environnemental. Pourtant, les chiffres montrent que les agriculteurs français sont comparativement moins aidés en raison d’une fiscalité de production plus lourde.
Jeunes agriculteurs et la FNSEA ont publié fin août un texte de loi pour « Entreprendre en agriculture ». Le texte porte bien son nom car pour entreprendre, il faut avoir des moyens financiers et le droit de faire. Or, en Europe, au nom d’une Politique agricole commune représentant 74 % des dépenses de l’Union européenne en 1980, il a été jugé que le monde agricole avait les moyens de produire localement et d’être en pointe dans la préservation de l’environnement.
La dynamique agricole obéissant à des pressions de toutes sortes – aléas climatiques, maladies infectieuses, concurrence internationale, réglementations, fiscalité – a néanmoins changé cette équation. Car dans un monde soumis à la concurrence internationale, le soutien à l’agriculture, significatif en Europe, est inférieur par certains aspects à ce qui se fait dans certains pays limitrophes, voire aux Etats-Unis lorsqu’on intègre la politique de soutien aux consommateurs. Surtout, les agriculteurs français sont moins soutenus que leurs homologues européens. Nos agriculteurs font face à une fiscalité de production plus significative qu’ailleurs, qui dégrade leur compétitivité.
Les données de l’OCDE montrent que l’UE n’est plus la championne des aides à l’agriculture. L’appui budgétaire représente 17 % de la valeur de la production contre 18 % en moyenne dans les pays avancés. Les Etats-Unis devancent significativement l’Europe, avec un soutien budgétaire représentant 25 % de la production quand on tient compte de l’ensemble des aides aux consommateurs américains défavorisés.
Surtout, les calculs de l’Institut économique Molinari montrent que la France s’avère moyenne en captation de subventions. Elle reçoit 15 % des subventions et aides en Europe, alors qu’elle représente 18% de la production. Pire, les agriculteurs hexagonaux supportent 35 % des impôts de production agricole de l’UE, soit un prorata deux fois supérieur au poids de la production française. Au final, nos agriculteurs reçoivent 14 % des aides nettes – une fois les impôts de production déduits – soit une part bien moindre que leur poids réel dans la production agricole de l’UE (18 %).
Le monde agricole souffre en France des mêmes maux que le reste du monde économique, à savoir une fiscalité de production contreproductive qui dégrade en profondeur la compétitivité, à rebours du cliché d’une France appliquant une « politique de l’offre ». Entreprendre implique de pouvoir « mettre des moyens ». La fiscalité de production en enlève en amont. Insensible aux performances et à la santé des entreprises, elle constitue un danger pour la survie de toutes les activités françaises à faible marge.