Les salariés belges travaillent jusqu’au 15 juillet pour payer leurs taxes
Une double page sur notre étude, rédigée par Pierre Nizet, figurait dans tous les journaux du groupe Sud Info, numéro un en Wallonie et à Bruxelles, avec près d’un million de lecteurs chaque jour (La Meuse, La Nouvelle Gazette, La Province, Nord Eclair...).
Selon une enquête conjointe de l’Institut économique Molinari et EY, les salariés belges « moyens » ont dû attendre ce jour pour disposer à leur guise des fruits de leur travail. Avant cela, en théorie, ils n’ont travaillé que pour payer les charges et les taxes.
Jeudi, lors de la présentation des mesures phares que comptent enclencher le MR et les Engagés, Georges Louis Bouchez et Maxime Prévot ont mis en avant la baisse d’impôts. Nous l’avons chiffrée à 700 millions d’euros qui entreront, on l’espère, dans la poche des citoyens wallons et bruxellois et des sociétés qui les emploient. Au niveau fédéral, il est aussi beaucoup question d’alléger les taxes et autres charges qui sont considérées par certains comme un frein à notre économie.
On verra si les promesses pourront être tenues avec la dette abyssale pesant sur les épaules de la Belgique. 500 milliards d’euros, ce n’est pas rien.
En attendant, voilà une étude qui va apporter de l’eau au moulin de ceux qui veulent du changement au niveau fiscal. L’Institut économique Molinari dévoile, avec la collaboration de la société EY, sa quinzième édition de l’étude sur la pression sociale et fiscale réelle du salarié moyen au sein de l’Union européenne et du Royaume-Uni. Nous avons pu l’éplucher en exclusivité et on apprend que le 15 juillet est le jour où le salarié belge moyen est libéré fiscale ment. En gros, cela veut dire que c’est aujourd’hui qu’il arrête en théorie de payer des charges et des taxes et qu’il peut donc disposer à sa guise du fruit de son travail.
Seule la France est pire que nous
Cette date, précisent les auteurs de cette étude, est parfois présentée comme le jour où le salarié cesserait de « travailler pour la collectivité ». Ils préfèrent dire que c’est la date où le salarié de vient libre d’utiliser comme il le souhaite le fruit de son travail.
Les calculs qui permettent d’arrêter cette date portent sur un salarié ayant le salaire moyen de chaque pays. Les auteurs tiennent compte des cotisations patronales et salariales aux régimes obligatoires de droit public ou de droit privé (mutuelles, fonds de pension…), de l’impôt sur le revenu et de la TVA applicable en 2024.
« La particularité de cet indicateur de liberté économique est de rendre concrète la situation des salariés moyens de l’UE en intégrant la fiscalité sur le travail et la consommation de chaque pays», soulignent Nicolas Marques et James Rogers, les coauteurs de l’étude pour l’IEM. «Les calculs des cotisations sociales aux régimes obligatoires et d’impôts sur le revenu sont faits par EY pour les 27 pays de l’UE et le Royaume-Uni ». Cette étude, précisent-ils encore, utilise les chiffres des salaires de l’OCDE et des offices statistiques nationaux comme base de référence. «Les calculs des cotisations patronales et salariales ainsi que de l’impôt sont effectués par EY ».
Au niveau européen, les Belges arrivent en seconde position de la date la plus longue de libération fiscale dans le calendrier. À l’instar de 2023, seule la France fait pire. L’an denier, nous étions déjà avec la même date du 15 juillet en deuxième position, ex aequo avec l’Au triche. Cette année, le jour de libération fiscale de cette dernière est tombé le 15 juillet qui suit, dans le classement des pays où il faut attendre le plus pour être « libéré », l’Allemagne (7 juillet) et l’Italie (3juillet). Du côté des pays voisins, le jour où arrive la bonne nouvelle est le 13 juin pour les Pays-Bas et le Luxembourg. Les plus «chanceux » sont Chypre (21 avril),le Royaume-Uni (1er mai),Malte (2 mai) et l’Irlande (16mai).
Pas mieux servis pour autant
«Oui, mais… » , répondront certains. Cet argent qu’on prend dans nos poches d’un côté, il va en partie dans ce que l’État investit par exemple en soins de santé ou dans l’éducation.
Ce qui n’est pas forcé ment vrai, en entendant la réponse de James Rogers. «Les administrations belges ne par viennent pas à fournir des services à la hauteur des sommes qu’elles prélèvent sur les salariés. Parmi les 28 pays étudiés, la Belgique est classée, au niveau de l’enseignement,12ème en lecture, 13ème en sciences, 4ème en mathématiques et 9ème au classement général. Votre pays est classé 8ème sur 28 pour le bonheur, selon le World Happiness Report 2024, 10ème sur 28 dans l’ensemble et 6ème dans la qualité de vie, selon l’enquête 2023 sur les meilleurs pays de l’US News Best Countries Survey. Soit en dessous de ses voisins français, allemands et néerlandais qui paient moins d’impôts ».
Car, indique-t-il, les Belges sont bien les premiers en termes de fiscalité, neuvièmes au rang en salaire net de charges et d’impôts parmi les salariés moyens de l’UE. «Et vous êtes numéro 4 en termes de coût pour l’employeur derrière le Luxembourg, les Pays-Bas et l’Autriche».
Ainsi, en Belgique, un employeur dépense215 € pour qu’un salarié moyen touche 100€ net après cotisations et impôts. Notre expert conclut par un avertissement lancé à la Belgique : «Alors que les salaires ont augmenté et que le gouvernement a donc collecté de plus en plus d’impôts, aucun allègement réel n’est intervenu de puis le ‘taxshift’. Si le prochain »gouvernement ne prend pas de mesures pour réduire le fardeau fiscal et social qui pèse sur les salariés moyens, je crains que les Belges ne tra vaillent bientôt encore plus longtemps que les Français pour financer les services publics ». ■
Les employeurs dépenses 215 € pour que nous belges touchions dépensent 100 €
La Belgique est donc le pays, avec la France, où on est libéré fiscalement le plus tard. II y a dix ans, pourtant, c’était encore pire que maintenant. Par rapport à 2013, quand la pression fiscale (NdlR : 60,25 %) était au plus haut des 15 années cou vertes par cette étude, les Belges célèbrent le «jour de libération fiscale» 24 jours plus tôt. À l’époque, c’était en effet le 8 août ! Selon, l’IEM, les Belges bénéficient aujourd’hui de 8.600 € de pouvoir d’achat en plus qu’en 2013. Cette année-là, les employeurs devaient dépenser 252 € pour que les salariés belges moyens aient 100 € de pouvoir d’achat.
Aujourd’hui, c’est 215 €, soit 37 € de moins. Pour 100 € de pouvoir d’achat réel, il faut débourser 41 € en charges patronales, 23 € en charges salariales, 44 € en impôt sur le revenu et 7 € en TVA estimée. Concrètement, cela veut dire que sur un salaire brut moyen de 68.250 €, le total des charges et de l’impôt est de 36.489 € et qu’il reste donc en net… 31.761 €.
Ce qui fait que la Belgique a le neuvième pouvoir d’achat réel d’Europe derrière le Luxembourg (44.591 €), les Pays-Bas (38.978€), le Royaume-Uni (38.179 €), l’Irlande (38.178 €), le Danemark (37.319 €), la Finlande (33.284 €), l’Allemagne (32.525 €) et l’Autriche (32.244 €). Les trois pays où le pouvoir d’achat réel est le plus faible sont la Bulgarie (7.826 €), la Roumanie (8.522 €) et la Hongrie (10.059 €).
Le tax shift commence à dater
De 2011 à 2015, la Belgique trônait en tête du classement du pays où on était libéré le plus tard fiscalement. Si on a perdu cette peu enviable place, c’est grâce à l’arrivée du «tax shift » qui a eu un bel effet. De 2015 à 2016, on était ainsi passé de 59,5 % de «taux d’imposition réel» à 56,9 %. Depuis, on a souvent connu une baisse avec 56,74 % en 2017, 54,24 % en 2018, 53,46 % en 2019 avant la légère remontée de 2020 (53,76%) et de 2021 (53,95%) pour revenir à 53,46% en 2022 et 53,5 %en 2023. Cette année, on est toujours à j 53,5 % alors que la moyenne I dans l’Europe à 27 est de 44,3%. «Si on raisonne en jours, les Belges ont travaillé pendant les 195 premiers jours de 2024 pour payer leurs impôts jusqu’à cette libération fiscale du 15 juillet contre une moyenne de 162 jours travaillés pour payer les prélèvements obligatoires dans l’UE », résument les chercheurs de l’Institut économique Molinari. L’IEM est, il est important de le signaler, un organisme de recherche et d’éducation indépendant et sans but lucratif. «Notre mission est de promouvoir une approche économique de l’étude des questions de politique publique en proposant des solutions innovantes qui favorisent la prospérité pour tous.