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Et si l’on provisionnait les retraites de l’Etat pour soulager le contribuable?

Déclinaison d’un chronique rédigée pour le journal Le Point, dans la cadre d’une série intitulée « Et si on supprimait… »

Et si on délestait les comptes de l’Etat du fardeau que constituent les retraites des fonctionnaires? Certains en rêvent, tant les dérapages associés aux retraites de l’Etat sont significatifs. En 2025 les retraites gérées par l’Etat plomberont le budget à hauteur de 67 milliards d’euros. Cette dépense explique plus du tiers du déficit et nourrit une autre dépense héritée de notre imprévoyance, la charge de la dette (55 milliards), car l’explosion des dépenses de retraites creuse le déficit et alimente notre spirale d’endettement.

L’an prochain les retraites couteront 89% des salaires des fonctionnaires avant primes, soit trois fois plus que les retraites du privé, financées avec 28% de cotisations retraites sur les salaires. Cette dérive, liée à l’augmentation du nombre de retraités, absorbe des ressources qui manquent pour améliorer les services publics et mieux rémunérer les fonctionnaires en activité. Aujourd’hui le salaire net d’un instituteur en début de carrière est du même ordre que les cotisations finançant les retraites de ses aînés. L’an prochain, ce sera pire. La rémunération des employés de l’Etat progressera 7 fois moins vite que les cotisations sociales finançant principalement les retraites (+0,6% vs +4,5%).

Face à cette gabegie, la stratégie privilégiée à Bercy a été de rapprocher les retraites des fonctionnaires de celles du privé, dans l’espoir de les fusionner. Cette démarche a échoué en 2020, la mise en place du régime universel de retraite ayant été ajournée. Certains rêvent de retenter le coup sous de meilleurs hospices, après la présidentielle 2027. A les entendre, cela permettrait de sauver les comptes de l’Etat, en sortant du budget une source structurelle de dérapages financiers.

Mais une autre voie existe que ce tour de passe qui déséquilibrerait encore plus les finances sociales. Bien plus prometteuse, elle créerait de la richesse collective, avec à la clef des économies significatives pour l’Etat et les contribuables. Elle consiste à auto financer les retraites grâce aux royalties générées par un fonds souverain, au lieu de les financer par le budget. Les dividendes et plus-values générées par l’épargne permettraient de réduire le recours aux impôts, l’ampleur des déficits et de casser cette spirale d’endettement servant à payer les erreurs du passé.

C’est ce que font avec succès le Sénat et la Banque de France, qui ont placé 16 milliards d’euros sur les marchés pour financer les retraites qu’ils distribuent à leurs ayants droits sans faire appel au contribuable. A titre d’illustration, l’Etat aurait économisé 40 milliards cette année s’il avait partiellement provisionné ses retraites comme le fait le Sénat pour ses personnels et ses élus. Si l’Etat avait été encore plus prévoyant, et provisionné l’intégralité de ses retraites comme la Banque de France, il économiserait 60 milliards d’euros chaque année.

Certains pensent que cette démarche économique ne pourrait être menée qu’à condition de rééquilibrer au préalable les finances publiques, mais ils inversent les causalités. Sans réduction significative des charges liées au passé, une remise en ordre des finances publiques est impossible. Surtout, même financé par de l’endettement, provisionner les retraites est très rentable, comme l’illustrent les expérience québécoise et française.

De l’autre côté de l’Atlantique, les pouvoirs publics ont financé par endettement la constitution d’un fonds pour les retraites des employés publics. Ce fonds souverain, géré par la Caisse des dépôts québécoise, rapporte bien plus que le coût de la dette ayant financé sa montée en puissance. Aujourd’hui le gouvernement québécois utilise les intérêts génères par ce fonds pour régler les retraites de ses anciens personnels. En France, nous avons déjà tous les ingrédients pour la mener à bien cette démarche clef pour réduire structurellement le déficit de l’Etat, puisque nous disposons déjà d’un fonds souverain dédié aux retraites gérées par notre Caisse des dépôts. Il suffit de redimensionner le Fonds de réserve pour les retraites (FRR), crée par Lionel Jospin il y a un quart de siècle. Il génère un milliard d’euros de richesse par an et en créerait sept fois plus s’il était monté en puissance comme prévu. Il ne tient qu’à nous de rattraper le temps perdu, ce type d’endettement étant un investissement rentable. Nos voisins allemands, qui savent faire leurs comptes, sont en train de faire la même chose. Dans la prochaine décennie, ils comptent investir 200 milliards d’euros sur les marchés financiers, pour éviter d’avoir à augmenter les prélèvements obligatoires finançant les retraites. En matière de retraites, le choix est entre investir ou taxer…

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