Augmentons le Fonds de réserve pour les retraites pour restaurer les finances publiques
Une tribune de Nicolas Marques, Directeur général de l’Institut économique Molinari, publiée dans l’Express du 16 au 22 janvier qui souligne que vider le Fonds de réserve pour les retraites (FRR) est une très mauvaise idée. Il faudrait au contraire le renforcer, capitaliser est incontournable pour éviter que retraites généreuses ne rime avec déficit.
Olivier Faure, premier secrétaire du PS, a proposé récemment de piocher dans le Fonds de réserve pour les retraites (FRR) pour financer la pause de la réforme des retraites. Sa proposition témoigne d’une fuite en avant. Au lieu de vider les réserves il faut les renforcer. Et pour ceux qui sont attachés au redressement des finances publiques, l’objectif devrait être de faire du FRR un fonds souverain dédié aux retraites des fonctionnaires.
Le FRR est une création de Lionel Jospin. Au début des années 2000, le premier ministre de François Mitterrand voulait garantir la pérennité des retraites par répartition en créant des réserves significatives, avec un fonds investissant sur les marchés pour faire face aux déséquilibres des retraites sur la période 2020-2040. L’actualité montre que cette idée était de bon aloi, le sujet retraite étant devenu une pomme de discorde depuis 2020. Mais sa mise en œuvre fut chaotique, dans un pays où nos grands argentiers n’ont pas compris qu’il est impossible de financer des retraites généreuses sans épargne.
Comme l’a souligné Eric Lombard lorsqu’il était patron de la CDC, avant de devenir ministre de l’Economie, les gouvernements successifs n’ont pas résisté à la tentation de puiser dans le fonds. Bilan : les réserves placées n’ont jamais atteint le niveau prévu. Elles représentent à peine une vingtaine de milliards d’euros, alors que Lionel Jospin tablait sur sept fois plus. Du point de vue financier, cela constitue une gabegie, avec un manque-à-gagner pour le contribuable qui se chiffre en dizaines de milliards.
Depuis 2011, le FRR a rapporté 13 milliards de gains en dépit de sa petite taille. S’il avait été alimenté comme prévu par Lionel Jospin, il aurait rapporté 76 milliards d’euros à la collectivité, soit six fois plus selon la dernière étude de l’IEM. Le sujet retraite serait donc moins problématique et nous ne saurions pas dans la situation actuelle. Précisons que tous ces calculs sont faits en tenant compte des gains liés à l’épargne, les dividendes et plus-values, et en retirant le coût lié à la dette puisque nous sommes un pays avec des comptes publics systématiquement déséquilibrés depuis la fin du baby-boom.
Qu’Olivier Faure propose de vider le fonds de réserve mis en place par l’un de ses prédécesseurs à la tête du parti socialiste témoigne d’un fort degré d’incompréhension. Les réserves sont insuffisantes, la priorité devrait être de les renforcer car dans tous les régimes de retraite bien gérés – qu’il s’agisse de l’Agirc-Arrco ou des professions libérales – les réserves ont montré leur utilité. Et lorsque l’Etat cherche périodiquement à s’en emparer, les partenaires sociaux montent au créneau pour l’en dissuader. C’est d’ailleurs ce qui a manqué au fonds de réserve pour les retraites, une vraie protection, avec des acteurs défendant des intérêts collectifs à long terme contre les appétits à court terme de l’Etat.
Une vraie façon de protéger le FRR serait d’en faire un fonds souverain dédié aux retraites des fonctionnaires. Cela permettrait à l’Etat d’économiser à terme une soixantaine de milliards d’euros par an. On l’oublie souvent, mais l’Etat gère ses retraites en dehors de la répartition du privé et sans respecter les règles qui sont imposées aux employeurs classiques. Or, ses dépenses de retraite ont triplé en euros depuis 1977. Elles représentent 62 milliards d’euros en 2023, contre l’équivalent de 20 milliards d’aujourd’hui en 1977. L’explosion de cette dépense explique une part significative du déficit structurel et la dégradation du service public rendu aux contribuables. C’est consécutif au fait que l’Etat n’a rien provisionné. Il n’a pas placé de capitaux pour autofinancer les pensions qu’il verse à ses anciens employés sans faire appel aux contribuables. A titre d’illustration, si l’Etat avait provisionné en partie les retraites de ses employés comme le Sénat, il aurait économisé 35 milliards d’euros en 2023. Encore mieux, il aurait fait 60 milliards d’économies s’il avait provisionné toutes les retraites de ses personnels, comme la Banque de France.
Plutôt que de vider définitivement le Fonds de réserve des retraites, il faudrait le renforcer, quitte à financer cet investissement par endettement à l’instar des projets de nos voisins allemands ou espagnols. Si le FRR se voyait confier le provisionnement des retraites de la fonction publique d’Etat, une montée en puissance sur une quarantaine d’années avec 1 % du PIB investi par an permettrait de créer un fonds souverain représentant 90 % du PIB. D’ici 2070, les intérêts dégagés permettraient de financer l’intégralité des retraites versées par l’Etat à ses personnels et la charge d’intérêt liée à la montée en puissance du fonds. Accessoirement, nous disposerions d’un fonds souverain dont une partie serait investi en France et en Europe, zones où l’innovation et la croissance sont à la traine faute d’épargne longue. Si l’on veut préserver nos retraites, il faut accepter d’investir, ce qui devrait aussi rassurer les marchés financiers inquiets vis-à-vis de l’incapacité de la France à corriger ses lacunes structurelles.