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Supprimer les impôts de production, toboggan vers la récession

Quelles seraient les mesures, au regard de la stagnation économique en Europe et des difficultés en France, qui permettraient de redresser la situation tout en s’inscrivant dans le champ du possible, à environnement politique égal ? La réponse de Nicolas Marques au questionnement d’Atlantico.

Si l’on veut lutter contre le contexte économique déprimé, la suppression des impôts de production me parait la priorité. Le PIB, produit intérieur brut, s’est contracté de 0,1% au quatrième trimestre et le nombre de demandeurs d’emploi inscrits a augmenté de 3,9%. L’économie ralentit et nous n’avons toujours pas supprimé la fiscalité de production, une particularité française qui se retourne contre l’activité et les ménages.

En dépit des discours pro réindustrialisation déclamés depuis 2017, la fiscalité de production reste anormalement élevée. La France représente 31 % des impôts de production prélevés sur l’industrie en Europe, alors qu’elle ne fait que 12 % de la production industrielle. La fiscalité de production est particulièrement délétère pour les activités à marges cycliques, faute de se dégonfler lorsque les profits disparaissent. Tous nos voisins directs ont une fiscalité de production anecdotique (129 millions d’euros en Espagne en 2023 vs 8,5 milliards en France) ou négative, les subventions dépassant les impôts de production de 70 millions en Italie, 460 millions en Belgique et 9,3 milliards en Allemagne.

Continuer à taxer la production au-delà de l’impôt sur les sociétés, c’est chasser l’emploi hors de France. Cette aberration économique aurait dû prendre fin en 1954 avec la création de la TVA. Cette taxe popularisée par Maurice Lauré était censée remplacer les taxes sur la production, dont les effets nocifs apparaissaient évidents dans un contexte de démantèlement des frontières douanières au sein de l’Europe. Soixante-quinze ans plus tard, les impôts de production sont toujours là et on diffère en permanence leur démantèlement.

Certains prétendent que nos finances ne nous permettent pas de supprimer cette fiscalité, mais ils se trompent. Les impôts de production sont des impôts gaspilleurs, qui réduisent à due proportion le rendement des autres prélèvements obligatoires (impôts sur les sociétés, cotisations sociales, impôt sur le revenu, TVA…). Le vrai défi avec la suppression des impôts de production est la compensation des collectivités locales, qui en touchent une partie significative. Au lieu de les financer avec ces impôts destructeurs de valeur, il faudrait leur accorder une part plus significative des recettes de TVA et surtout partager avec elles les recettes d’impôt sur les sociétés.

Certains pensent que supprimer les impôts de production est une mesure libérale et pro business, en passant sous silence que c’est aussi une mesure sociale. La fiscalité de production pénalise les activités à faibles marges, avec à la clef un cortège de fermetures de sites industriels emblématiques. Dans les secteurs qui se portent le mieux, cette fiscalité est reportée sur les salariés, sous la forme de progressions salariales moins attrayantes. La fiscalité de production a laminé notre industrie, alors que cette activité est associée à des rémunérations plus attractives que les services. C’est une fiscalité qui se retourne contre les salariés et il serait grand temps que toute la classe politique ose assumer cette triste réalité.

Au-delà de cette mesure salutaire, il faut aussi déréglementer massivement pour réduire les contraintes. Différentes politiques récentes sont en train d’être réévaluées au niveau européen et c’est une bonne chose. Mais il faudrait aller bien plus loin, en allégeant le droit de la concurrence. Dans le demi-siècle écoulé la France et l’Europe ont déployé ont freiné drastiquement les fusions d’entreprises, ce qui réduit la capacité de développement et freiné l’innovation. L’approche statique de la concurrence a empêché les consolidations des acteurs et pérennise des structures de marché morcelées et rigides. Au final cela s’est retourné contre nos économies européenne, qui sont à la traine de la croissance mondiale. Là encore, une approche trans-partisane serait bienvenue.

Retrouvez sur le site d’Atlantico les autres propositions de Michel Ruimy, Antoine Brunet, Don Diego de la Vega et Philippe Crevel.

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