La « Sécu » est victime de ses propres contradictions
Article publié exclusivement sur le site de l’Institut économique Molinari.
Après 60 ans d’existence et vingt-deux plans de sauvetage, il devrait être clair que ces réformes de la « Sécu » ne donnent pas de résultats significatifs. De simples aménagements ne peuvent pas la sauver parce qu’un système obligatoire et universel institutionnalise l’irresponsabilité et porte ainsi les germes de sa propre destruction.
« Notre système d’assurance-maladie est en péril », déclarait en juillet 2004 Philippe Douste-Blazy, alors ministre de la Santé, justifiant ainsi sa « réforme de la dernière chance ». Après le déficit record de 2004, la commission des comptes de la Sécurité sociale a annoncé qu’il devrait « rester très élevé en 2005 ». L’actuel ministre, Xavier Bertrand, a présenté le 28 septembre le projet de loi de finances de la Sécurité sociale pour 2006, en annonçant de nouvelles mesures allant dans le même sens que les précédentes, déremboursements, nouveaux prélèvements, et « maîtrise » de la dépense. Le projet a été adopté le 23 novembre par le Parlement. Après 60 ans d’existence et vingt-deux plans de sauvetage, il devrait être clair que ces réformes de la « Sécu » ne donnent pas de résultats significatifs. De simples aménagements ne peuvent pas la sauver parce qu’un système obligatoire et universel institutionnalise l’irresponsabilité et porte ainsi les germes de sa propre destruction.
Le caractère obligatoire du système et sa monopolisation ont permis de transformer progressivement l’assurance en gigantesque machine à redistribuer les revenus. L’unification des caisses et le financement par prélèvements obligatoires ont ainsi rendu possible de déconnecter les prestations des cotisations. C’est d’ailleurs ce dont Xavier Bertrand s’est réjoui dans Le Figaro du 4 octobre en déclarant que « si chaque citoyen contribue selon ses moyens, il est soutenu selon ses besoins ». Aussi faible que puissent être les contributions de quelqu’un au fond commun, il peut réclamer tous les remboursements prévus pour les problèmes de santé qu’on lui diagnostiquera. Par la force de la loi, le consommateur de soins est mis dans une situation d’irresponsabilité. Quand on peut compter sur autrui pour payer la facture, les dépenses de santé sont plus élevées qu’autrement.
Examinons maintenant ce qui se passe du côté du financement. Le point clé est que les recettes proviennent de prélèvements obligatoires. Les taxes ou cotisations sociales viennent en déduction des revenus de ceux qui les supportent. Il est vrai que ce n’est pas en pure perte que le contribuable/assuré doit les payer puisqu’elles ouvrent droit à des prestations. Cependant, comme il s’agit en fait de substituer un revenu en nature à un revenu monétaire, il y a bien une réduction du pouvoir d’achat. Mais ceci signifie que le travail est pénalisé par rapport à son alternative, le loisir. On travaille donc moins et le fond permettant de financer les prestations promises est d’autant moins alimenté. Non seulement le système de redistribution obligatoire pousse à la dépense mais il tend à assécher sa propre source de financement.
Le processus est cumulatif. Comme la redistribution obligatoire pénalise les bien-portants productifs au bénéfice des souffrants en congé-maladie, les premiers sont incités à abandonner le premier rôle pour le second, en se faisant passer pour malades ou en prenant moins de précautions pour prévenir la maladie. Ainsi, les dépenses doivent augmenter alors que les recettes diminuent relativement. Il faut alors trouver de nouvelles recettes en élargissant la base des prélèvements obligatoires ou en faisant monter les taux. Ceci doit créer une pénalité additionnelle sur le travail et inciter des gens qui n’avaient pas encore renoncé, à baisser les bras et à devenir consommateurs nets de taxes et cotisations plutôt que contributeurs, et ainsi de suite. La tendance apparemment inexorable à la hausse des dépenses publiques de santé et des déficits n’est donc pas accidentelle. Elle est inscrite dans les fondations du système.
Un tel système ne peut pas perdurer indéfiniment. Les incantations sur la « justice sociale » et le « pacte républicain » ne peuvent pas effacer ses contradictions internes. Aujourd’hui, la véritable question est de savoir si on continue la perfusion, laissant les supposés bénéficiaires du système être entraînés dans sa chute, ou si on permet aux gens d’en sortir, en les laissant quitter la « Sécu ».
Xavier Méra est chercheur associé à l’Institut Économique Molinari.