France : des déficits persistants en dépit de recettes publiques record
Texte d’opinion publié le 30 avril 2018 dans La Tribune.
La France compte toujours parmi les pays de l’Union européenne dont les finances sont les plus déséquilibrées. Pour résoudre cette situation, le gouvernement préfère alourdir la fiscalité que réduire les dépenses. Ce choix politique pèse sur la situation de l’emploi, mais surtout fragilisera le pays en cas de crise.
Les statistiques publiées la semaine dernière par Eurostat montrent que la France reste parmi les pays ayant les finances publiques les plus déséquilibrées de l’Union européenne, en dépit d’un montant de recettes publiques inégalé. Un positionnement qui pénalise la société française et nous expose en cas de retournement conjoncturel.
Avec 2,6% de déficit public à fin 2017, notre déficit est désormais 3 fois plus élevé que la moyenne de l’Union européenne (0,9%). Nous continuons à figurer parmi les pays les plus déséquilibrés, en dépit des efforts de présentation ayant conduit l’institut européen à formuler des réserves sur la qualité des données françaises. Seuls l’Espagne (-3,1%), le Portugal (-3%) et la Roumanie (-2,9%) font pire que nous. Dans le même temps, 13 pays équilibrent leurs comptes publics. Des excédents notables sont par exemple enregistrés en Suède et en Allemagne (+1,3%), aux Pays-Bas (+1,1%) ou au Danemark (+1%).
Incapacité à mettre à profit les phases de reprise économique
Cette contre-performance est inquiétante en raison de son caractère structurel. En France, aucun exercice budgétaire n’a été équilibré depuis 1975. Contrairement à nos voisins, nous sommes incapables de mettre à profit les phases de reprise économique pour rééquilibrer significativement les comptes publics. En conséquence, la dette française continue de croître significativement. Avec +2,1% du PIB en 3 ans, nous sommes les plus mal lotis de l’UE, loin devant la Pologne (+0,3%). Partout ailleurs la dette publique baisse, avec au global une contraction très significative sur 3 ans (-5,2% pour l’UE).
Cette contre-performance est d’autant plus inquiétante qu’on ne constate pas d’inflexion dans les choix français. Les pouvoirs publics tentent toujours d’améliorer les comptes en s’appuyant sur l’augmentation des recettes combinée avec une baisse timide des dépenses. La décrue des dépenses est trois fois moins rapide qu’ailleurs sur les trois dernières années. Bilan, le poids de l’ajustement budgétaire repose avant tout sur des recettes publiques en hausse (+0,6% du PIB en 3 ans) là où elles baissent dans l’Union européenne (-0,1%). Les recettes publiques atteignent désormais un niveau jamais atteint en France (53,9% du PIB). Elles sont désormais plus importantes que partout ailleurs dans l’UE, devant la Finlande (53,2%) et loin devant la moyenne de l’UE (44,9%).
Un coût social significatif
Ce choix de politique publique, non content d’obérer notre capacité à réduire significativement les déficits, génère un coût social significatif. Handicapés par l’importance de la pression fiscale, nous subissons une persistance inquiétante du chômage. Le taux de chômage était encore à 8,9% en février 2018, contre 7,1% en moyenne dans l’UE. Seuls la Croatie, Chypre, l’Italie, l’Espagne et la Grèce enregistraient des taux de chômages plus élevés. Le chômage reflue moins vite chez nous qu’ailleurs. En 3 ans, son taux a baissé de 1,5 point en France contre 2,8 points en moyenne dans l’UE. Tandis que nous peinons à réduire notre chômage, l’embellie est très significative chez beaucoup de nos voisins, avec neuf pays enregistrant des taux de chômage inférieurs à 5%.
Situation dangereuse
Nous sommes clairement dans une situation dangereuse. Contraints par la dette, nous ne disposons pas de marges de manœuvre pour laisser filer les déficits en cas de dégradation de la conjoncture. Contraints par notre inaptitude à concevoir une baisse intelligente des dépenses publiques, nous sommes incapables de réduire significativement nos déficits. Dans ce contexte, la situation française est excessivement précaire. Le risque est que les réformes entreprises depuis plusieurs mois ne produisent pas des effets assez rapides et significatifs pour inverser la tendance et que nous nous trouvions dans une impasse financière au moindre retournement.
Nicolas Marques est chercheur associé à l’Institut économique Molinari.