Pauvreté ou inégalités, les partis pris d’OXFAM
Texte d’opinion publié en exclusivité sur le site de l’Institut économique Molinari.
Comme chaque année, l’organisation non gouvernementale OXFAM a publié en amont du forum de Davos un rapport sur les inégalités dans le monde. Une opération de communication accrocheuse, lancée dans le monde entier le 21 janvier 2019. Un mot d’ordre : accréditer l’idée que les inégalités augmentent et que les gouvernements n’en font « pas assez » pour les réduire. Décryptage de 4 biais particulièrement emblématiques d’une démarche construite pour appeler à plus de redistribution.
Commençons par l’extrême pauvreté. La communication d’OXFAM tente d’accréditer « la mise en échec de la lutte contre l’extrême pauvreté ». Or, cette vision ne fait pas l’unanimité, loin de là. Les statistiques de la Banque mondialemontrent que dans les 25 dernières années, le nombre de personnes vivant dans l’extrême pauvreté a reculé de 1,1 milliard. Il a baissé de 60 % en dépit d’une augmentation de la population de 38 %. Alors qu’en 1990 presque 36 % de la population vivait avec moins de 1,90 dollar américain par jour, la proportion était de 10 % en 2015. Toutes les régions du monde affichent une baisse. L’Asie de l’Est-Pacifique et l’Europe-Asie centrale ont été particulièrement performantes, avec un taux ramené à moins de 3 %. Même l’Afrique subsaharienne voit son taux de pauvreté reculer, en dépit des conflits et des déplacements associés. Le premier « objectif du Millénaire pour le développement » était de réduire de moitié le taux de pauvreté de 1990 à l’horizon 2015. Cette ambition a été réalisée dès 2010. Loin de s’en réjouir OXFAM présente une vision alarmiste et partiale.
Continuons avec les différences de revenus. De 1990 à 2015, la part des revenus des 50 % les plus pauvres est passée de 8,8 % à 9,7 % dans le monde. Dans le même temps, les revenus des 10 % les plus riches passaient de 51,1 % à 52,2 %. Difficile d’en déduire comme OXFAM que nous assistons à une « explosion des inégalités », d’autant plus que ces chiffres sont avant impôts et transferts sociaux. Certes, OXFAM affirme que les gouvernements « sous-financent les services publics », mais là encore l’argument ne fait pas l’unanimité. Les données de l’OCDE montrent que le ratio charges et impôts sur PIB continue de progresser. Il est passé de 31,9 % en 1990 à 33,7 % en 2015.
L’approche choc d’OXFAM des inégalités de patrimoine suscite, elle aussi, des réserves. Elle passe sous silence un fait majeur souligné par Thomas Piketty, le pourfendeur phare des inégalités, l’émergence d’« une classe moyenne patrimoniale possédant environ un tiers du patrimoine ». L’ONG préfère se focaliser sur 26 milliardaires, qui seraient aussi riches que les 50% les plus pauvres de l’humanité, pour appeler à plus de redistribution. Or, si l’on se base sur Le capital au XXIème siècle, les 75 personnes les plus riches possédaient 0,4 % du patrimoine et les 50 % des plus pauvres détenaient 4 % du capital en France ou 2 % aux Etats-Unis (pages 694 et 405). Thomas Piketty considère que les « inégalités patrimoniales se situent actuellement nettement au-dessous de ce qu’elles étaient il y a un siècle » en Europe (page 551). Précisons que l’ONG a travaillé à partir des données bancaires intégrant les seules dimensions monétaires, sans valoriser le capital humain qui serait deux fois plus important selon la Banque Mondiale. Conséquence l’agriculteur pauvre d’un pays en développement pourra être considéré comme plus riche qu’un jeune diplômé occidental ayant financé ses études par emprunt ou qu’un retraité européen bénéficiant d’une pension de retraite et d’une couverture médicale à vie.
Soulignons enfin qu’il n’y a sans doute pas de lien entre réduction de la pauvreté et réduction des inégalités. Il est même probable qu’il faille choisir son combat, la réduction de la pauvreté pouvant s’accompagner d’une hausse des inégalités. La situation est particulièrement emblématique en Chine où la proportion de la population vivant avec moins de 1,90 dollar par jour est passé de 66,6 % en 1990 à 0,7 % en 2015. Dans le même temps, les inégalités augmentaient. Le 1% des Chinois les mieux lotis possèdent désormais 13,9 % des revenus, contre 8,1 % en 1990. Ils détiennent 29,6 % des richesses en 2015, contre 15,8 % 25 ans plus tôt. Vu des pays sortant de la pauvreté, la priorité est radicalement différente de celle d’OXFAM. Elle va au développement économique, quitte à créer des inégalités inhérentes aux différences d’enrichissements. Sur le long terme ce choix est gagnant-gagnant, l’histoire montre que la croissance est le meilleur remède contre la pauvreté.
Cécile Philippe et Nicolas Marques sont respectivement présidente et directeur de l’Institut économique Molinari.