Education, la France doit mieux faire
Dans l’Hexagone l’optimisation des dépenses collectives est un enjeu majeur. Dans toute une série de domaines, retraites, santé, éducation, les revendications financières se multiplient. Dans le même temps, nous restons à la traîne du mouvement européen de remise en ordre des comptes publics. Avec un déficit attendu de 3,1% du PIB, la France réalisera en 2019 la pire contreperformance de la zone euro en 2019. Dans l’opinion publique s’installe l’idée néfaste qu’il ne serait pas possible de réduire les dépenses sans remettre en cause la qualité des prestations collectives. Or, dans toute une série de domaines, les données montrent que dépenser ne rime pas avec qualité, ce qui paradoxalement constitue une bonne nouvelle. Texte d’opinion par Nicolas Marques, directeur de l’IEM, publié dans La Tribune.
L’éducation et la formation en France ne sont pas bon marché. Alors que la collectivité dépense 155 milliards d’euros par an, nous n’arrivons qu’en 17e position parmi les 27 pays européens étudiés. Si la France se rapprochait des pays les plus efficaces dans l’adéquation avec le marché de l’emploi, elle pourrait économiser à qualité égale jusqu’à 43 milliards d’euros par an. Si nous étions aussi bons que la Finlande, l’Islande ou la Norvège dans la lutte contre le décrochage scolaire, la proportion de personnes travaillant dans le domaine pour lequel elles ont été formées ou l’aptitude à fournir aux entreprises les profils qu’elles recherchent, nous pourrions réduire de 28 % nos dépenses éducatives. Cette non adéquation de notre système éducatif à l’emploi coûte chaque année de l’ordre de 2 % du PIB.
Lorsqu’on regarde dans les détails, les enjeux se posent dès le primaire et le secondaire. Nos chiffrages montrent que si la capacité à enseigner un socle commun de connaissance était aussi bonne qu’en Finlande ou Estonie, la France pourrait atteindre le même niveau avec 26 % de dépenses en moins. Alors qu’on dépense 14 % du PIB par tête par élève dans le primaire et le secondaire, moins de 72 % des élèves n’ont aucune difficulté dans la compréhension de l’écrit, en mathématiques et en sciences. L’Estonie et la Finlande dépensent autant, mais 83 % des élèves n’ont aucune difficulté. Rien que sur ce volet, une économie de 28 milliards d’euros serait possible si la France se rapprochait du rapport qualité/prix des pays les plus efficaces.
Ce travail montre, une fois de plus, que dépense ne rime pas mécaniquement avec qualité. Nombre de nos voisins ont une gestion plus performante de leurs ressources en matière d’éducation. Ils s’appuient notamment sur des institutions de formation professionnelle, d’apprentissage et d’alternance plus efficaces.
Enjeu collectif
Paradoxalement, ce constat est une bonne nouvelle eu égard aux attentes en matière d’éducation et à la nécessité de limiter les dépenses et l’ampleur des déficits publics. Il montre qu’il serait possible de dépenser moins en France, tout en visant de bien meilleurs résultats. Si l’on s’inspirait des caractéristiques communes aux pays les plus performants, on pourrait améliorer la qualité tout en réalisant des économies substantielles. C’est un enjeu pour la France qui a énormément investi dans l’éducation depuis des décennies, avec une dépense représentant de l’ordre de 6,7% du PIB. L’identification des domaines où il est possible de faire des économies tout en augmentant la qualité des prestations est un enjeu collectif, tout comme la mise en œuvre des processus permettant d’exploiter efficacement ces gisements d’améliorations.
Là aussi, l’enjeu est majeur en France. Depuis des décennies, nous avons cédé à la tentation jacobine consistant à penser l’éducation et sa démocratisation de façon centralisée. Les schémas organisationnels et les directives d’en haut se sont imposées, avec des programmes tatillons et une inspection académique veillant à leur respect par le corps enseignant. Au niveau opérationnel, les directeurs d’établissements et les équipes enseignantes ont moins d’autonomie et de capacités d’adaptation que dans les autres pays de l’Union européenne. Les tentatives de tayloriser l’éducation nationale ont contribué démobiliser les personnels.
Au gré des alternances, les dirigeants de la rue de Grenelle cherchent à améliorer le retour sur investissement. Mais, jusqu’à présent, ils s’attèlent plus aux problèmes visibles qu’à leur cause, la trop grande centralisation. L’enjeu n’est pas de corriger de façon centralisée les dysfonctionnements, tâche impossible, mais de donner les moyens à la communauté éducative de faire ce travail salutaire au niveau local.