Pas de responsabilité individuelle et collective sans tests
A l’issue de deux mois de confinement, la France ne s’est toujours pas dotée de capacités massives de tests. Nous restons loin derrière les autres pays européens, avec 1,3 tests pour 100 habitants contre 2,8 en moyenne en Europe. Une démarche risquée qui conduit à l’irresponsabilité. Extrait d’un article de Cécile Philippe, présidente de l’Institut économique Molinari, publié par l’Express le 6 mai et mis à jour le 11 mai.
Faute d’être préparés à une possible pandémie, nombre de pays ont recouru au confinement large pour protéger leur population d’une incapacité des services de santé à les accueillir dans de bonnes conditions. Le confinement est un moyen grossier mais efficace d’isoler les personnes contaminées et ainsi éviter qu’elles n’en contaminent d’autres. C’est un moyen grossier car c’est un moyen aveugle. Quand on ne sait pas qui est contaminé et qui ne l’est pas, on confine tout le monde, à l’instar de ce que faisaient nos ancêtres du moyen Age.
C’est aussi un moyen très coûteux. Il conduit à réduire drastiquement les interactions sociales et économiques, ainsi que nos libertés. Nous ne pouvons plus sortir, nous déplacer, voyager et échanger de visu avec nos proches et moins proches sur les plans affectifs, amicaux, sociaux, économiques. Bref, le confinement isole et appauvrit pour sauver des vies. Ceci ne peut évidemment pas durer éternellement. Aussi chaque jour aurait dû être considéré comme un jour de plus pour investir dans notre capacité à mieux traquer le virus. L’enjeu n’était pas seulement de désengorger les services de santé, il était de se doter de moyens de dépistage significatifs.
Les tests de dépistage sont incontournables à de multiples titres. Ce sont des outils de responsabilité individuelle à portée collective.
Les tests, en particulier les PCR, sont indispensables pour que nous puissions agir pour le bien des autres. Comme le rappelle le président de la Syndicat de l’Industrie du Médicament et diagnostic Vétérinaire, Jean-Louis Hunault, ils permettent « de se déterminer sur ce qu’on a à faire ». Ils résolvent un problème d’information nécessaire à chacun de nous. Ils indiquent si nous sommes contaminés et nous devons nous retirer du jeu collectif ou si nous pouvons poursuivre nos activités, dans le cas contraire.
Les tests sont en quelque sorte des intermédiaires de confiance. Ils mettent de l’huile dans les rouages des interactions sociales en apportant la connaissance et rassurant sur le risque que chacun d’entre nous représentons pour les autres. Les tests sont clefs pour que les entreprises puissent reprendre leurs activités, en limitant les risques de leurs salariés dans le cadre de cette pandémie. Ils sont aussi Indispensables aux directeurs des écoles qui doivent assurer la protection des enseignants mais aussi celle de leurs élèves. Par une forme étrange de déni de réalité, nous attendons de ces institutions qu’elles protègent leurs salariés et les personnes qu’elles accueillent, sans leur donner les moyens d’être à la hauteur de ces attentes. Sans tests nous savons qu’elles sont myopes, mais nous refusons de les laisser s’équiper de lunettes de vues. Le risque est que le déconfinement ressemble au mois de janvier où, insouciants, nous vaquions à nos occupations sans nous rendre compte que le virus progressait à vive allure.
L’absence de masques efficaces et surtout de tests – causes d’un confinement large – s’est enracinée dans la réalité française comme un obstacle infranchissable. Elle n’est pas perçue comme un investissement à faire prioritairement pour reprendre une vie la plus normale possible – dans l’attente de traitements efficaces – et éviter un désastre économique aussi bien que sanitaire.
En nous privant d’une capacité de test à grande échelle avant le déconfinement, nous nous empêchons d’être responsables individuellement et collectivement.
Pas étonnant dès lors de voir le jeu pitoyable des uns et des autres qui se rejettent la responsabilité des contaminations futures dans les transports publics, à l’école, dans les entreprises. Faute de se donner les moyens d’être informé et d’agir en conséquence, nous empêchons de lutter rationnellement et efficacement contre le Covid-19. Notre société se prive des moyens permettant de vivre ensemble selon des règles responsables. Un protocole sanitaire qui exclut les tests ou ne permet pas leur déploiement à grande échelle n’est pas un protocole qui permet aux acteurs d’être responsable. Dès lors, la recherche « de responsables » ne sera qu’une étape de plus dans un processus devenu arbitraire et infondé.
Faute d’avoir su donner au dépistage une priorité absolue, nous sommes toujours dans le flou alors que d’autres pays y voient plus clair. Nous devrions avoir en France les moyens de nous organiser pour tester plus, soit sous la houlette de l’Etat, soit en le contournant. Mais dans un cas ou dans l’autre, il faudrait que le dépistage à grande échelle devienne une priorité absolue.