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S’autotester, le moyen pour vivre déconfiné

Se tester individuellement afin de s’isoler en cas de maladie permettrait aux autres de vivre normalement. Texte d’opinion par Cécile Philippe, présidente de l’Institut économique Molinari, publié dans Le Point.

Au début de l’épidémie de la Covid-19, la France a été prise de court aussi bien en matière de masques, de tests, de respirateurs ou encore de lits de réanimation. Le premier acte de la pandémie a ainsi été marqué par la pénurie. Lors du 2ème acte que nous vivons actuellement, nous réalisons de nouveau que les moyens mobilisés ne sont pas suffisants. Face à l’augmentation du nombre des hospitalisations, le confinement redevient le moyen privilégié pour limiter la saturation du système de santé et donc les décès. Force est de constater que la montée en puissance du dépistage n’a pas suffi. Qu’en penser?

La généralisation des tests a été un élément clé de la stratégie du gouvernement lors du premier confinement. En effet, la France, à la traîne dans ce domaine, n’en réalisait que quelques milliers en mars 2020. Puis progressivement, les laboratoires de ville ont été associés à l’effort de dépistage si bien que qu’ils sont désormais capables d’en réaliser environ 1,5 million par semaine. En dépit de leurs prouesses, cela s’est révélé insuffisant.

En effet, face à un virus qui continue de circuler et qui mute, la demande de tests a littéralement explosé à la fin de l’été et n’a cessé depuis d’augmenter. Ceci est incontournable puisque dans un contexte épidémique, la demande de tests est alimentée aussi bien par des besoins sanitaires que par des besoins psychologiques ou sociaux. Les besoins sanitaires concernent les personnes asymptomatiques, les cas contacts, les personnels soignants et les populations fragiles. Répondre à ces besoins est essentiel mais ils n’en constituent qu’une partie. En effet, nous avons évidemment des besoins sociaux passant par des interactions. Or, en période d’épidémie, les interactions en face à face constituent un danger pour soi et pour les autres. Par conséquent, l’accès aux tests permet de conserver des interactions sereines et changer le moins possible son mode de vie. Une illustration, très médiatisée l’été dernier, a été l’explosion de la demande de tests pour pouvoir continuer à prendre l’avion. La chose peut être déclinée à l’infini en fonction des situations et de l’intensité des interactions.

On comprend dès lors que la demande de tests devienne vite incontrôlable. Qui plus est, si les tests sont gratuits pour tous, il n’y a pas non plus de moyen de réguler les priorités.

Le système de dépistage s’engorge si bien que la détection se fait trop lentement et les contagions se poursuivent. C’est l’expérience que nous avons tous fait début septembre avec des délais entièrement inadaptés pour se faire tester et obtenir le résultat. Pendant ce temps, les contagions se poursuivent et se multiplient.

C’est ainsi que l’on a découvert que le dépistage ne suffit pas pour contrer l’épidémie. Les capacités de dépistage sont clef lorsqu’elles s’insèrent dans une stratégie globale de lutte contre l’épidémie. Par exemple, un pays comme la Corée du sud n’a pas subi d’engorgement de son système hospitalier et de détection ni recouru à des confinements larges de sa population. Très en amont de l’épidémie, alors que le génome du virus n’était pas encore connu, ils ont mis en place un plan pandémie coordonné et rapide comprenant des tests mais aussi un traçage efficace, un isolement, une prise en charge, des désinfections des lieux publics, etc. Au final, les Coréen ont réussi à ne pas se laisser prendre de cours et n’ont pas besoin de tester aussi massivement que la France.

Des pays comme l’Australie ou la Nouvelle-Zélande ont fait un choix différent. Ils ont confiné de façon préventive. Dès l’apparition de quelques cas en juillet, l’Australie reconfinait Melbourne pour 6 semaines alors que le pays à cette date comptabilisait moins de 9 000 cas de Covid-19 depuis l’émergence de la maladie sur une population de 30 millions. Ces pays ont choisi de « tuer le virus dans l’œuf » sans jamais courir le risque de saturer leurs services de santé. Face à la dynamique très incertaine du virus, l’Australie comme la Nouvelle-Zélande ont fait le choix d’appliquer le principe de précaution en partant du fait que si le virus se répandait, les services de santé ne pourraient jamais faire face, les moyens n’étant pas extensibles au gré des contaminations.

La rapidité est un élément clé de la lutte contre la Covid-19. Comme les contagions sont rapides et passent, dans de nombreux cas, inaperçues, il faut pouvoir être plus rapides qu’elles. A ce stade, nous n’avons pas réussi à l’être mais il y a de l’espoir en matière dépistage, en particulier avec les tests dits rapides. Des tests « antigéniques » commencent à être commercialisés. Ils fonctionnent selon le même principe que les tests de grossesse, sur bandelettes, et apportent une réponse en 15-20 minutes pour un coût dix fois inférieur aux tests PCR. Ces tests sont pour l’instant utilisés en tant Tests rapides d’orientation diagnostique (TROD) avec un usage réservé aux professionnels de santé. Ils ont récemment reçu un avis favorable émis par la Haute autorité de santé. L’enjeu est maintenant de les proposer en « autotests », de les vendre en pharmacie pour que les consommateurs lambda puissent y avoir accès.

Pour cela, il faudrait pouvoir effectuer les autotests sur échantillons salivaires, ce qui implique de concevoir un dispositif de recueil de l’échantillon le plus simple possible.

Des équipes académiques et industrielles y travaillent en ce moment de manière prioritaire, comme le souligne Christophe Junot. Il dirige le département médicaments et technologies pour la santé au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, et ses équipes contribuent aux recherches sur des tests rapides antigéniques et sérologiques. Il précise cependant que la pertinence d’utiliser la salive fait encore débat quand on analyse la littérature scientifique. Et les échantillons salivaires posent des défis encore non résolus pour les tests antigéniques, notamment au niveau de la sensibilité de détection. Des recommandations devraient pouvoir être données par les autorités de santé sur ce dernier point d’ici la fin de l’année.

La possibilité de s’administrer un test bandelette serait un élément susceptible de changer radicalement la donne car il serait de facto beaucoup moins cher et, par conséquent beaucoup plus largement accessible. A la différence des tests RT-PCR réalisés en laboratoires ou des tests rapides aujourd’hui accessibles en pharmacie, les tests auto-administrés n’impliquent pas le recours à un professionnel pour le prélèvement et l’analyse du résultat. Ils allient donc deux atouts cruciaux dans la lutte contre la Covid-19 : rapidité dans la réalisation du prélèvement et la détermination du résultat. Pour quelques euros, il deviendrait dès lors possible de se tester très régulièrement au gré des interactions sociales respectives de chacun. En particulier, ils permettraient de détecter rapidement les plus contagieux d’entre nous et de recourir ensuite aux tests RT-PCR plus précis, si nécessaire.

L’auto-administration des tests Covid-19, qui fonctionneraient selon le même principe et avec la même facilité que le test de grossesse, n’est pas encore à portée de main. S’il s’avérait impossible de créer un auto-test salivaire simple et efficace, il resterait à envisager de former les personnes le souhaitant à effectuer elles-mêmes des prélèvements nasopharyngés en utilisant les tests rapides déjà disponibles. Nombre d’entre nous seraient prêts à se former au même titre que certains se forment aux premiers secours.

Il est fort à parier que nous allons devoir apprendre à vivre avec Covid-19 et il est même possible que nous ayons, dans le futur, à faire face à d’autres épidémies. Si comme aime le rappeler continuellement le philosophe John Gray, nous devons vivre dans l’incertitude, cet apprentissage passera par la sensation que nous restons au moins partiellement en contrôle de ce qui nous arrive. Il est irréaliste de penser que nous pourrons tourner définitivement la page des pandémies, nous avons donc intérêt à nous donner les moyens de satisfaire notre attente d’interactions sociales sans y sacrifier notre santé et celle des autres.

Cécile Philippe

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