Une taxe supplémentaire qui n’assurerait pas
Les assureurs ont mauvaise presse. Ils sont accusés de profiter d’une pandémie ayant conduit à différer des dépenses de santé voire de refuser d’indemniser certains clients au titre de leurs pertes de chiffre d’affaires. D’où la multiplication des propositions visant à taxer encore plus cette activité. Une démarche qui risque, une fois de plus, de retomber sur le consommateur. Comme dans beaucoup de domaines, c’est lui qui, en bout de chaine, supporte la fiscalité sur l’assurance. Texte d’opinion par Nicolas Marques, directeur général de l’Institut économique Molinari, publié dans La Tribune.
Soulignons d’abord que nos contrats d’assurance sont déjà largement taxés en temps normal. Contrairement aux produits traditionnels, ils ne sont pas soumis à la TVA mais à des taxes spécifiques, avec un résultat désavantageux pour les assurés. La taxe fiscale alimentant le Trésor Public, variable selon les types d’assurances, représente jusqu’à 30 % pour l’assurance incendie des particuliers et 33 % pour la responsabilité civile obligatoire automobile. S’ajoute à cela une kyrielle de contributions servant à financer divers fonds ou organismes de solidarité nationale : Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions, Fonds Couverture Maladie Universelle… La contribution au Fonds de garantie des victimes qui s’applique à une multitude de contrats représente – à elle seule – 5,90 euros par police d’assurance.
Impôts de production
Mais la fiscalité va au-delà de ces taxes remplaçant la TVA. Les assureurs sont aussi assujettis, comme toutes les activités, à des impôts de productions. Cette fiscalité est particulièrement élevée dans l’Hexagone. L’assurance française représente 27 % des autres impôts de production, nets de subventions, alors qu’elle réalise 10 % de la valeur ajoutée produite par cette activité en Europe.
Au global, ces fiscalités représentent 15 milliards d’euros en 2018. Elles équivalent à 23 % du chiffre d’affaires des assureurs. La fiscalité sur les contrats d’assurance va donc bien au-delà des taux réduits de TVA à 10 % et 5,5 % qu’ont en tête nos concitoyens s’agissant des produits de première nécessité. Elle est même supérieure au taux « plein » de TVA à 20 %. Naturellement, cette fiscalité est directement répercutée sur les consommateurs, comme dans tous les domaines où le législateur utilise les entreprises pour collecter des impôts indirects payés in fine par les consommateurs.
Mais ce n’est pas tout. Les assureurs sont, en effet, assujettis à l’impôt sur les sociétés. Cette fiscalité est, elle aussi, répercutée sur le consommateur, comme l’exposait déjà Jean-Baptiste Say au début du 19e siècle, bien avant qu’Arnold Harberger ne théorise l’incidence de l’impôt sur les sociétés et sur les ménages, dans les années 1960.
Un double contresens
Ajoutons que les pouvoirs publics ont déjà mis en place une taxation supplémentaire en septembre. La taxation sur les complémentaires santé, dite « taxe covid », devrait coûter 2 milliards d’euros aux assurés français en 2020 et 2021.
Mutualiser des taxes
Il serait grand temps de cesser d’aborder les sujets fiscaux comme s’ils étaient sans incidence sur le pouvoir d’achat des ménages. La mission principale des assureurs et mutualistes est de mutualiser des risques. Notre code des impôts les amène, en plus, à mutualiser des taxes. A la clef, c’est toujours le consommateur qui est perdant. Certains accepteront de payer plus cher leur couverture, ce qui les conduira à réduire d’autres consommations ou investissements, d’autres feront le choix de s’assurer moins. Dans tous les cas, la collectivité est assurée d’être pénalisée.