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Sans baisse des impôts de production, pas de relance

La refonte complète des impôts de production, jugés inefficaces par l’exécutif lui-même, n’a pas lieu en France. Si nouveau plan de relance il y a, ce serait l’occasion de les baisser franchement pour redonner de la compétitivité à l’industrie. Chronique par Cécile Philippe, présidente de l’Institut économique Molinari, publiée dans Les Échos.

De mars 2020 à avril 2021, l’État fédéral américain a annoncé 5.328 milliards de dollars de dépenses budgétaires ou d’abandons de recettes en réponse à la pandémie de Covid-19, soit 25 % du PIB. La France y a consacré, selon le Fonds monétaire international, 174 milliards, soit 8 % du PIB. Selon les économistes Olivier Blanchard et Jean Pisany-Ferry, il serait utile d’y ajouter 50 milliards de dépenses supplémentaires . Ces dernières n’ont un sens que si elles visent à réduire bien davantage les impôts de production.

Les plans américains donnent le tournis même si les dépenses publiques y représentent 38 % du PIB, là où elles atteignent 56 % du PIB en France. Ce ne sont pas tant de nouvelles dépenses dont nous avons besoin que de mesures éliminant les impôts parmi les plus idiots que nous ayons dans notre code fiscal.

Impôts idiots

Le premier plan de relance aura permis de franchir un premier pas en ce sens. Dans « Président cambrioleur », la journaliste Corinne Lhaïk décrit un déjeuner début 2020 au cours duquel Emmanuel Macron reconnaît l’ineptie de notre fiscalité de production, sans néanmoins envisager de la baisser, faute de marge de manœuvre budgétaire. Finalement, la crise Covid aura permis d’enclencher une dynamique positive en les réduisant de 10 milliards .

Cela reste pourtant insuffisant car, non contente d’avoir des impôts idiots, la France en a beaucoup. Ils représentent 5 % du PIB en 2019, contre 2,3 % en moyenne dans les 28 pays qui composaient l’UE à l’époque et même 0,7 % du PIB en Allemagne. Contrairement à une idée reçue, cet écart n’est pas compensé par les subventions de production. Lorsqu’on calcule les impôts de production nets, en déduisant les subventions de production, on observe que la fiscalité de production représentait 2,8 % du PIB en France en 2019.

L’Hexagone était bien plus fiscalisé que la moyenne de l’UE à 28 (1,3 %) et a fortiori qu’un pays comme l’Allemagne avec des impôts de production nets négatifs (-0,1 %). La baisse de 10 milliards représente seulement une réduction de 15 %, quand, dans certains secteurs comme l’industrie manufacturière, il faudrait diviser la fiscalité de production par 5, en en supprimant 83 %, pour revenir au même niveau que nos homologues.

Impact sur la croissance

Si ces impôts sont considérés comme idiots, c’est parce qu’ils détruisent plus que ce qu’ils ne rapportent. Les impôts de production – prélevés avant la vente ou la réalisation de bénéfices – tendent à augmenter le seuil à partir duquel les entreprises sont rentables, ce qui signifie que moins d’entreprises pourront survivre. Cela a un impact direct sur la croissance et l’emploi.

Insensibles aux performances et à la santé des entreprises, ces impôts constituent en temps normal un contresens, en particulier pour les activités à faible marge comme il y en a pléthore dans l’industrie. En période de crise sanitaire, la diminution des impôts de production est encore plus urgente pour soulager l’appareil productif français.

Dans cette perspective, la mise en place d’un nouveau plan de relance visant une baisse d’au moins 35 milliards des impôts de production aurait les caractéristiques d’un excellent investissement. D’autant plus que cette mesure pourrait à terme ne rien coûter aux finances publiques. Cela serait donc la meilleure mesure de relance que l’on puisse offrir à la société française, à condition évidemment de compenser le manque à gagner des collectivités locales.

Cécile Philippe est présidente-fondatrice de l’Institut économique Molinari. Elle est docteure en économie de Paris-Dauphine et auteure de plusieurs livres dont « Trop tard pour la France? Osons remettre l’État à sa place », (Les Belles Lettres, 2014).

Cécile Philippe

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