Les retraites doivent être au cœur de la campagne présidentielle
Le chef de l’État semble tenir à la réforme des retraites, et il a raison, tant ce sujet est structurant pour nos dépenses publiques. Mais cette réforme, dont la copie doit être revue en profondeur, mérite sérénité et sérieux. Texte d’opinion par Cécile Philippe, présidente de l’Institut économique Molinari, publié dans Les Échos.
S’il est une conséquence positive de Covid, c’est d’avoir mis un coup d’arrêt à une réforme des retraites – incontournable – mais qui, faute d’une préparation sérieuse, présentait des défauts insurmontables. Après des mois de grève puis de lutte contre la Covid19, il serait irresponsable de relancer une réforme sur ce sujet fondamental sans revoir en profondeur la copie. La prochaine campagne électorale doit permettre de débattre sur l’enjeu principal, celui d’en alléger le financement.
Le président Emmanuel Macron semble tenir à la réforme des retraites qui, pourtant, a braqué une partie de la France tout en passant entièrement à côté du défi essentiel. La France a fait un pari osé, celui de financer presqu’entièrement son système de retraite par la répartition. Ce choix s’avère rétrospectivement problématique. Parce qu’il n’a pas réalisé, comme beaucoup d’autres, que l’augmentation des dépenses de retraite expliquent 59% de l’augmentation des dépenses publiques depuis 1959, le Président n’a pas pris la mesure du poids que fait peser la répartition sur la compétitivité et la croissance.
Plus que d’une fusion des caisses existantes, le pays a besoin d’une diversification du financement des retraites, pour réduire sa dépendance via à vis d’une répartition coûteuse, du fait du vieillissement de la population. Or, une solution existe, la capitalisation collective. Elle est non seulement déployée à l’étranger mais elle fait aussi son chemin, discrètement, en France au sein d’institutions que la réforme Macron se proposait tout simplement de débrancher.
La capitalisation collective existe déjà au sein du public, qu’il s’agisse de l’ERAFP qui ajoute à la retraite de base des fonctionnaires (4,5 millions d’agents), de la caisse de retraite du Sénat ou de la Banque de France. Elle a fait aussi ses preuves au sein de certaines professions libérales, en particulier les pharmaciens. Elle génère de l’ordre de 2 milliards d’euros par an de dividendes et plus-values bonifiant les retraites sans faire appel aux prélèvements obligatoires.
Ces 2 milliards restent cependant faibles en comparaison des capitaux accumulés au sein des pays de l’OCDE. Si l’on se compare à ces pays, la France devrait avoir entre 51 et 87 % du PIB en plus dans des fonds de pensions ou dans des fonds de réserve publics sécurisant les régimes de retraite par répartition. Ce co-financement est absolument nécessaire à notre économie souffrant d’une compétitivité faible et d’un chômage élevé.
Une des objections à la capitalisation est son prétendu caractère risqué. Or, l’année écoulée montre que cet argument doit être relativisé. Les résultats de l’ERAFP public (+3% de rendement en 2020 et 5,4% depuis sa création), contrastent avec les difficultés des régimes par répartition. Ces derniers ont subi de plein fouet la crise économique avec une baisse des cotisations (-4% selon les derniers chiffres du Conseil d’Orientation des retraites).
Les faits montrent une fois de plus que mixer répartition et capitalisation augmente la résilience. Il serait extrêmement contre-productif d’envisager de nouveau à la légère la réforme des retraites. Elle est sans doute la réforme la plus importante à mener à bien lors des prochaines années. Elle mérite qu’on l’envisage avec la sérénité et tout le sérieux qu’elle exige, sans passer à côté du nécessaire rééquilibrage du financement au service des retraités et de l’économie française.