Zéro Covid contre « vivre avec » : le match liberté, PIB, santé
De récents rapports montrent que l’Australie, la Nouvelle-Zélande et la Corée du Sud ont moins impacté les libertés via la stratégie Zéro Covid tout en ayant 45 fois moins de morts que les pays ayant privilégié la politique du vivre avec le virus. Interview avec Cécile Philippe et Nicolas Marques, respectivement présidente et directeur général de l’Institut économique Molinari, publiée dans Atlantico.
Atlantico : Dans un rapport, vous avez montré que l’Australie, la Nouvelle-Zélande ou la Corée du Sud ont durant la crise sanitaire eu 45 fois moins de morts avec une privation des libertés moindres. Pourquoi s’en sont-ils mieux sortis ?
Nicolas Marques et Cécile Philippe : À l’Institut Molinari, nous avons fait une étude il y a quelque mois à ce propos et selon nous avec une mortalité moindre l’économie recule moins. Si l’épidémie prend moins pied, il y a in fine moins de réduction de mobilité, une économie moins pénalisée et moins besoin de prendre des mesures in extremis.
Face à une pandémie, il y a toujours eu deux grands types de stratégie : soit la stratégie d’élimination, soit celle d’atténuation. Beaucoup de pays d’Asie ont vu le confinement de Wuhan comme un signal important : le virus n’est pas anodin, il est de type Sars. On ne peut pas vivre avec donc on l’élimine. Certains pays ont en 10 semaines recréé un climat de confiance en éteignant l’épidémie sur leur territoire. Ils n’ont pas eu des confinements sans fin et ils ont inventé le snap lockdown, soit un confinement de un, deux ou trois jours afin de retracer tous les cas.
Une stratégie Zéro Covid ne veut pas dire qu’il n’y a plus un cas sur le territoire, mais que tous les cas sont contrôlés. Ils ont pu remonter toutes les chaînes et ont mis tous les moyens en oeuvre pour y parvenir.
Sur les 18 mois de l’épidémie, la stratégie Zéro Covid est à moins de 40 morts pour 1 million d’habitants tandis que nous étions à plus de 1600.
Les pays Zéro Covid ont-ils eu des mobilités quotidiennes mieux préservées ?
Les possibilités de sortir de chez soi, d’aller travailler ou à l’école ou même de voyager ont été mieux préservées. Ils s’en sortent mieux sur tous le plans. Grâce à une mortalité faible, le niveau des restrictions imposées a été moindre. Lorsque l’on regarde le Stringency Index, ils sont à 52 points de restriction tandis que les pays du G10 qui appliquent la stratégie d’atténuation sont à 56 points de restrictions. Nous sommes à 57 points. On vit donc moins libre qu’eux.
Leur mobilité individuelle a été mieux préservée. Leur mobilité de travail a diminué de 10 points. Dans les pays du G10, elle a diminué de 26 points. En France cela a été de 23 points. On a été deux fois plus pénalisé en terme de mobilité de travail.
Dans les mobilités de loisirs, ils ont baissé de 11 points et en France de 33 points. C’est la conséquence des restrictions, mais aussi des choix individuels. Lorsqu’il y a une pandémie qui circule, même s’il y a peu de restrictions, les gens se retirent de l’activité sociale spontanément. En Suède, il y a eu moins de restrictions, mais un recul des mobilités individuelles.
Économiquement parlant, la stratégie Zéro covid s’est-elle avérée payante ?
Économiquement, ils s’en sont mieux sortis. Le dynamisme économique est tout de même dépendant de la capacité à faire des échanges, y compris non-distanciel. Le télétravail a été une chance pour nos sociétés, mais cela a une limite. Pour la France, le manque à gagner en terme de PIB a été de 230 milliards. La Nouvelle-Zélande et l’Australie, au 2e trimestre 2021 ont déjà récupéré leur PIB d’avant-crise. Néanmoins, ils traversent aujourd’hui une période hivernale compliquée avec quelques cas.
Qu’en est-il de la stratégie vaccinale choisie par le gouvernement français ?
C’est fondamental d’avoir la couverture vaccinale la plus large. Mais les développements récents en Israël montrent que cela ne suffit malheureusement pas. Nous devrions nous appuyer à la fois sur les vaccins et la démarche des pays Zéro Covid. Ils sont capables de remonter les chaines de contamination pour limiter l’ampleur de la pandémie, une aptitude qui nous manque. Quant à la Nouvelle-Zélande ou l’Australie, ils ont pris du retard dans le déploiement des vaccins et l’ont payé en termes de capacité à faire face au variant Delta. Notre capacité à déployer des vaccins leur a manqué, tandis que leur capacité à remonter les chaines de contaminations nous a manqué
À quel point cette stratégie s’est donc avérée payante ?
Au dernier trimestre 2021, la Nouvelle-Zélande était en croissance de 5,3 % par rapport à l’avant crise. L’Australie était en croissance de 1,6% et la Corée du Sud de 1,3%. En France, nous sommes en recul par rapport à l’avant crise. On est revenu au statut du troisième trimestre 2017. Officiellement, on se réjouit de la croissance, mais quand on regarde l’Europe avec l’Allemagne nous sommes à un niveau de PIB de 2017, la Grande-Bretagne a un niveau de PIB de 2016 et le Japon et l’Italie sont au niveau de 2015.
Les pays occidentaux ont payé chèrement la crise. Ils ont eu à la fois les morts, à la fois le recul de mobilité individuel et à la fois les mesures de restrictions. Elles sont arrivées après les morts et n’ont jamais réussi à endiguer l’épidémie donc on a été pénalisé sur tous les plans. La stratégie initiale de tester-tracer-isoler pour remonter les chaînes de contamination aurait pu être efficace, mais l’histoire a montré que nous n’avons jamais fait ça… Il faut se donner les moyens de faire face à une nouvelle crise sanitaire car il pourrait y en avoir d’autres.