Vu de Norvège : « Face à Omicron, nous devrions agir au plus vite »
L’épidémiologiste Gunhild Alvik Nyborg explique comment son pays, longtemps un modèle, est en train de perdre le contrôle de l’épidémie face au nouveau variant. Propos recueillis par Cécile Philippe, présidente de l’Institut économique Molinari, pour L’Express.
Gunhild Alvik Nyborg a d’abord étudié l’économie pendant trois ans avant de devenir médecin et épidémiologiste. Membre du World Health Network, une initiative citoyenne, qui rassemble des experts et des défenseurs passionnés de la santé publique dont la déclaration a été publiée au Lancet, elle est devenue une personnalité incontournable dans l’analyse de la gestion pandémique en Norvège.
L’Express : La Norvège a récemment fait la une des journaux en raison d’une fête de Noël à Oslo. Que pouvez-vous nous en dire?
Gunhild Alvik Nyborg : Ce type de cluster était tout à fait envisageable dans le cadre de gestion pandémique norvégienne. En effet, jusqu’à l’apparition d’Omicron et depuis le début de l’été dernier, la Norvège expérimentait une nouvelle stratégie résumée par la phrase maintenant bien connue qui consiste à « vivre avec le virus ». Dans la première partie de la pandémie, il faut savoir que la Norvège avait réussi à garder le contrôle du virus. Toujours est-il que le 26 novembre dernier, Oslo a été le théâtre du premier cluster géant dû à Omicron en Europe. Le 8 décembre, on dénombrait 80 personnes positives au Sars-Cov 2 sur 120, dont 17 infectées par le variant omicron. On suppose que la majorité des cas dont les résultats du séquençage sont attendus, sont infectés par Omicron. Soixante autres personnes présentes ce soir-là dans le restaurant ont également été infectées.
Qu’est-ce que cela nous apprend de ce nouveau variant ?
Cela nous dit beaucoup de choses. Tout d’abord, cela montre la dynamique des variants à propos de laquelle je mets en garde depuis le début de ces pandémies. Il faut maintenir le nombre de contaminations très bas, sinon de nouveaux variants préoccupants émergent. Deuxièmement, cela montre que ces nouveaux variants ne sont pas nécessairement moins dangereux pour la société. D’abord avec Delta et maintenant avec Omicron, nous découvrons que décrire un virus comme plus « doux » ne signifie pas qu’il est moins mortel, car s’il est plus contagieux, on a beaucoup plus de cas. Et c’est sur cet aspect qu’Omicron est vraiment inquiétant car la Norvège pourrait perdre le contrôle de ce nouveau virus.
Il se trouve que des personnes présentes lors de la fête se sont ensuite rendues dans une station de ski puis sont retournées chez elles. Du coup, Omicron est sans doute présent dans 21 régions en Norvège. Selon un rapport récent, le NIPH, l’institut norvégien de santé public, estime qu’en l’espace de trois semaines, il pourrait y avoir entre 90 000 et 300 000 nouveaux cas quotidiens, 50 à 300 nouvelles hospitalisations quotidiennes, pour une population de 5 millions d’habitants. Ces chiffres sont proches des calculs que j’ai faits. Si des mesures fortes ne sont pas prises pour stopper les contaminations, il ne faudra pas plus de 4 semaines pour que l’ensemble de la population soit potentiellement contaminé, selon ces modèles. La vitesse de réplication de ce virus est comprise entre 2 et 3 jours. Il faut agir rapidement.