Pour que le financement des retraites ne reste pas l’ennemi du pouvoir d’achat
La retraite par répartition touche à ses limites car la pyramide des âges en France ne parvient plus à équilibrer le système. Pour rééquilibrer le financement et redonner aussi du pouvoir d’achat aux salariés, il nous faut instaurer davantage de retraites par capitalisation. Chronique par Cécile Philippe, présidente de l’Institut économique Molinari, publiée dans Les Échos.
La question du pouvoir d’achat a occupé une place prédominante pendant la campagne présidentielle, notamment du fait d’un retour de l’inflation. Transitoire ou pas, elle est douloureuse pour nombre de Français ayant du mal à boucler la fin du mois. Les candidats se sont positionnés sur cet enjeu, avec des promesses plus ou moins réalistes. Mais aucun n’a fait le lien, pourtant incontournable en France, entre financement des retraites et pouvoir d’achat en berne. C’est pourtant là que les marges de manoeuvre sont possibles, et même nécessaires. Il est temps que notre président réélu connecte ces deux chantiers, en les traitant en profondeur.
Le choix du « tout répartition » pour financer les retraites en France a des répercussions directes sur le pouvoir d’achat. Financer les retraites quasi exclusivement par des transferts, déplace le pouvoir d’achat. En répartition, les cotisations des actifs sont transférées aux retraités. C’est un système qui ne crée pas de richesse, contrairement à la capitalisation, chère à Jean Jaurès , qui améliore le partage les profits au profit des salariés.
Le poids des retraites
La seule richesse que la répartition est susceptible de créer est liée à la démographie. Or celle-ci n’est plus au rendez-vous. Si en 1960, on comptait 0,24 retraité par actif, il y avait 0,73 retraité par actif en 2019. Sur cette période, les dépenses retraite de la collectivité sont passées de 5 % à 14 % du PIB. En 60 ans, les dépenses de retraites ont triplé, les retraites expliquant à elles seules plus de 50 % de la progression des dépenses et des déficits publics de 1960 à 2019.
Globalement pas placé, le financement des retraites pèse plus sur le pouvoir d’achat des actifs, faute de mettre à contribution les dividendes et plus-values.
Ce poids est aussi visible au niveau de la feuille de paie des salariés. Le financement quasi exclusif des retraites par les cotisations sociales et impôts nuit mécaniquement au pouvoir d’achat. Les prélèvements obligatoires représentent 51 % du coût employeur pour un salarié moyen célibataire sans enfant, ce qui laisse 49 % de pouvoir d’achat. C’est 7 points de moins que chez nos grands voisins que sont l’Allemagne, l’Espagne, Italie, les Pays-Bas et le Royaume-Uni.
Les cotisations retraites, 28 % des salaires bruts du privé, sont la principale source de cet écart. Globalement pas placé, le financement des retraites pèse plus sur le pouvoir d’achat des actifs, faute de mettre à contribution les dividendes et plus-values.
Une mesure sociale
Le bon sens milite pour que les salariés, au même titre que les actionnaires des grands groupes, puissent valoriser davantage leur travail en capitalisant une partie de leurs cotisations. C’est ce que la Caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens a bien compris. En complément de la répartition, elle a mis en place une capitalisation collective qui a permis d’économiser un milliard sur les trente dernières années. L’Etablissement de retraite additionnelle de la fonction publique se révèle lui aussi un acteur au service du pouvoir d’achat. Depuis 2006, ce fonds de pension a fait gagner 15 milliards d’euros dividendes et plus-values aux fonctionnaires.
Il reste donc à généraliser la capitalisation collective au privé pour en faire bénéficier tous les salariés de France, afin que les retraites ne soient pas l’ennemi du pouvoir d’achat. En continuant de déconnecter les problématiques, on passe à côté d’une mesure sociale clé : mettre le financement des retraites au service du pouvoir d’achat. On rate aussi une opportunité d’améliorer la compétitivité française à la traîne.
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