La hausse des salaires passe d’abord par une baisse de la fiscalité des entreprises

Les candidats se trompent, la hausse des salaires passe d’abord par une baisse de la fiscalité des entreprises, dont la rentabilité est inférieure de 35 % à celle de leurs homologues européennes. Les salariés français ont un pouvoir d’achat inférieur de 7 %

Par Irène Inchauspé et Raphaël Legendre, L’Opinion du 29 mars 2022

Kak 28/03/2022
Sipa Press
Les faits – L’Opinion publie en exclusivité une étude de l’Institut économique Molinari qui établit un palmarès de la compétitivité comparée des six principales économies européennes, tant pour les salariés que les entreprises. Il montre les fragilités de l’économie française pour le pouvoir d’achat et pour la profitabilité des sociétés. Un avertissement aux candidats à l’élection présidentielle.

L’inflation a pointé son nez en raison de la reprise économique post-Covid il y a près d’un an. Depuis fin février, elle est alimentée par la guerre en Ukraine. Prix de l’essence, du gaz, de l’électricité : le pouvoir d’achat des Français est impacté et le thème s’est invité au cœur de la campagne présidentielle. Bouclier tarifaire, blocage des prix à la baisse, baisse de la TVA sur l’essence, taxe exceptionnelle sur les profits de TotalEnergies, chacun des candidats y va de sa mesure. Aucun pourtant n’évoque le vrai problème. « Quand on regarde ce que distribuent les employeurs, on a 7 % de pouvoir d’achat en moins par rapport aux autres pays européens », note Nicolas Marques, directeur général de l’Institut économique Molinari, coauteur avec Cécile Philippe d’une note sur la compétitivité française.

Si le pouvoir d’achat net des salariés français est inférieur, c’est d’abord parce que le poids des cotisations sociales et des impôts reste plus élevé en France qu’ailleurs. Pour un célibataire, les prélèvements obligatoires représentent en moyenne 51 % du coût employeur, ce qui laisse 49 % de rémunération nette. Au Royaume‐Uni, en Espagne, en Italie, aux Pays‐Bas ou en Allemagne, les revenus nets oscillent entre 64 % et 52 %, pour une protection sociale parfois supérieure.

Pour un couple avec deux enfants (dont un conjoint ne travaille pas), la rémunération nette est de 55 %, contre 62 % en moyenne dans les grandes économies européennes. C’est encore pire pour le salarié payé deux fois le salaire moyen : 41 % de revenu net de cotisations et d’impôts seulement, contre 49 % en Allemagne et 58 % au Royaume-Uni.

Attractivité. La France n’est-elle pas pourtant attractive pour les investissements étrangers ? « Ils sont moins généreux en moyens humains : 34 emplois créés en moyenne en France en 2020, contre 48 en Allemagne, 61 au Royaume-Uni voire 135 en Espagne », notent Nicolas Marques et Cécile Philippe. Moins de pouvoir d’achat, mais un coût plus élevé pour les entreprises…

« Employer des salariés en France coûte cher, rapporte peu et le pouvoir d’achat des salariés est moyen », résume l’Institut Molinari. Et ce sont bien les salariés qui, au final, payent le coût de cet excès de fiscalité. « En bout de ligne, la fiscalité peut être porté par le consommateur, l’actionnaire ou le salarié. Or, qui est le moins mobile ? Le faible, c’est souvent le salarié », explique Nicolas Marques.

C’est pour cela que les salariés qui le peuvent vont voir ailleurs. La France compte pas moins de 3 millions d’expatriés : autant que les Etats-Unis où la population est cinq fois plus élevée. Les travailleurs transfrontaliers vont chercher hors de France 22 milliards d’euros de rémunération par an quand dans le sens inverse, les résidents transfrontaliers travaillant en France perçoivent à peine 2 milliards par an, soit 11 fois moins, précise encore la note.

Rentabilité. Si les salariés français sont moins bien traités que leurs homologues européens, ce n’est pas seulement à cause du poids des charges sociales. Les entreprises en France sont moins rentables qu’ailleurs parce qu’elles paient toujours trop d’impôts de production. Des impôts qui frappent le chiffre d’affaires avant même que les entreprises aient réalisé leur premier euro de bénéfice, et que l’Institut Molinari appelle à baisser de 35 milliards d’euros.

A droite, les candidats à l’élection présidentielle ont enfourché avec plus ou moins de vigueur ce cheval de bataille du patronat. Candidate du pouvoir d’achat, Marine Le Pen, avait défendu devant le Medef, « les libertés des entreprises ». Un thème qu’elle évoque nettement moins aujourd’hui. Elle prévoit toutefois, si elle est élue, de supprimer la cotisation foncière des entreprises ainsi que la C3S mais uniquement pour les TPE/PME et dans les zones de relocalisation, pour un total de 10 milliards d’euros. En face de cela, elle met 59 milliards de dépenses sociales sur la table, preuve que le sort des entreprises n’est pas sa préoccupation première…

Valérie Pécresse fait la même promesse. Lors du débat organisé par LCI, le 20 mars dernier, avec Eric Zemmour, la candidate des LR a néanmoins écarté la proposition du président du mouvement « Reconquête » consistant à vouloir baisser de 30 milliards les impôts de production. Pour elle, une telle réduction n’aurait pour seul effet que de contribuer à alourdir un peu plus notre endettement public, déjà abyssal. La candidate LR s’est bornée à proposer une réduction de 10 milliards, tout de même plus de trois fois supérieurs aux 3 milliards promis quelques semaines auparavant. Soucieuse de l’équilibre des finances publiques, elle promet « deux fois plus d’économies que de dépenses », évaluant les premières à 84 milliards d’euros et les secondes à 42 milliards à l’horizon 2027 pour arriver à « 3 % de déficit en 2027 ».

Impôt universel. A gauche, le cheval est non seulement laissé à l’écurie, mais un peu plus chargé. Jean-Luc Mélenchon prévoit notamment une taxe de 50 % sur les sociétés ayant réalisé des bénéfices « exceptionnels » pendant la crise sanitaire avec effet rétroactif et un « impôt universel » pour les bénéfices réalisés par les entreprises françaises à l’étranger.

Emmanuel Macron entend pour sa part poursuivre ce qu’il a engagé durant le quinquennat. Après une première baisse de 10 milliards portant sur les impôts fonciers et la suppression de la part de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) affectée aux régions, Emmanuel Macron a annoncé qu’il la supprimerait complètement. « Cela représente 7 milliards d’euros », a-t-il indiqué lors de la présentation fleuve de son programme le 17 mars. Il s’agit à ses yeux d’une mesure « pour la compétitivité des entreprises, surtout les entreprises industrielles ».

Malgré cela, « on garde un problème de compétitivité majeur », estime Nicolas Marques. Selon ses calculs basés sur l’excédent net des entreprises tricolores, ces dernières créent 35 % de richesse de moins par rapport à leurs homologues étrangères. On est loin d’une politique économique déséquilibrée en faveur de l’offre, comme on a pu l’entendre parfois durant la campagne. « On parle beaucoup des aides aux entreprises, mais elles ne représentent qu’un sixième des prélèvements. Elles sont indispensables parce que notre fiscalité est hors norme », assure l’économiste.

Nous restons le pays qui fiscalise le plus les entreprises et la feuille de paye. Les mécanismes d’aide aux entreprises, qui profitent souvent aux salariés via les allégements de charges, ne compensent qu’un tiers des effets délétères d’une fiscalité sur-dimensionnée et mal conçue. C’est en s’attaquant à ce problème que l’on pourra redonner du pouvoir d’achat aux Français.

Un institut réputé

Retrouvez tous les détails de l’étude de l’Institut économioque Molinari La fiscalité française contre la compétitivité et le pouvoir d’achat, signée par Cécile Philippe et Nicolas Marques. L’IEM est un think tank libéral réputé pour ses notes très pédagogiques, au fondement scientifique solide.

 

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Nicolas Marques

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