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Retraites: quand un indicateur empêche de bien réformer

Les évaluations du Comité d’orientation des retraites donnent le ton en matière de réforme des pensions. Pourtant, les indicateurs utilisés par le COR méconnaissent certains paramètres essentiels dans la prise de décision. Texte d’opinion par Cécile Philippe, présidente de l’Institut économique Molinari, publié dans Les Échos.

A l’Institut économique Molinari, nous créons des indicateurs pour simplifier la compréhension des données économiques. Nous nous intéressons aussi à ceux des autres, qu’il s’agisse d’Oxfam ou, plus récemment, celui du Conseil d’orientation des retraites (COR). Pourquoi ? Parce que les indicateurs – point saillant et visible – sont la synthèse d’un récit qui oriente le débat. Dans le cas des retraites, voilà vingt ans que le COR publie un chiffrage de déficit qui passe à côté du sujet, la baisse de la natalité.

Des promesses non provisionnées

Le COR vient d’annoncer un excédent de 900 millions d’euros du système de retraite en 2021, qui serait trois fois plus élevé en 2022. Faut-il en conclure que le financement des retraites est sous contrôle ? Pas du tout. Car les chiffres que publie le COR depuis vingt ans sont représentatifs du seul système de retraite privé, le COR considérant par « convention » que les pensions des fonctionnaires sont équilibrées. Or, dans le privé, et notamment à l’Agirc-Arrco, il existe des mécanismes pour préserver l’équilibre financier, les points permettant d’ajuster les dépenses aux recettes.

Ces mécanismes n’existent pas dans le public, qui a promis des pensions généreuses financées par le budget, sans se soucier de l’impact sur ce dernier. Nos calculs montrent que les retraites des fonctionnaires sont déficitaires de 33 milliards par an depuis 2002. Chaque année, l’Etat met à contribution le budget et s’endette pour financer des promesses non provisionnées à l’égard de ses anciens employés.

Un problème de démographie

Le COR ne conteste pas ce chiffre que nous venons de publier, mais il ajoute ne pas vouloir communiquer sur ce déficit public de peur de stigmatiser les fonctionnaires. Ce faisant, il masque le problème de fond : les retraites souffrent avant tout d’un problème de démographie qui touche la France dans son ensemble, privé comme public. Il est seulement accentué dans l’Etat pour des raisons liées à l’évolution de ses effectifs depuis la décentralisation.

L’âge d’or de la répartition est bel et bien terminé. On comptait 4 cotisants pour 1 retraité dans les années 1960. Il y en a trois fois moins aujourd’hui par retraité dans le privé (1,4 pour 1) et quatre fois moins dans l’Etat (0,9 pour 1). Par conséquent, il faut prélever 28 % des salaires dans le privé et 85 % des traitements dans l’Etat pour financer les retraites.

Corriger les dérapages

Calculer le déficit des retraites comme le fait le COR, en refusant de prendre en compte l’Etat, qui a le régime de retraite le plus déséquilibré, passe sous silence les problèmes. C’est occulter l’imprévoyance en matière de retraite, son impact négatif sur le rapport qualité-prix des prestations collectives et les finances publiques. Depuis 2002, le déficit des retraites (1,5 % du PIB par an en moyenne) explique 36 % des déficits publics.

La question n’est donc pas de jeter la faute sur les uns ou sur les autres mais de se donner les moyens de corriger les dérapages liés à l’imprévoyance face à la dégradation de la démographie. A défaut d’harmoniser les retraites, l’Etat devrait mettre de l’argent de côté pour financer les promesses qu’il fait à ses employés, comme savent déjà le faire des institutions publiques responsables (Banque de France, Sénat…). Le secteur privé a de son côté besoin de généraliser des capitalisations collectives afin d’épauler la répartition, comme l’ont fait les pharmaciens de la CAVP. Avec un bon indicateur, on saurait mieux réformer.

Cécile Philippe

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