Dans une tribune, des professionnels de l’éducation et de la santé, ainsi que des parents et des citoyens, alertent sur les risques posés par la pollution de l’air intérieur, qui nuit à la santé des enfants et favorise la propagation du Covid-19. Ils appellent Emmanuel Macron à agir. Tribune co-signée par Cécile Philippe, présidente de l’Institut économique Molinari, publiée dans Le Journal du Dimanche.
À trois mois de la fin de l’année, nous parents, professionnels de l’éducation et de la santé et citoyens, attendons toujours l’« effort massif de purification de l’air dans nos écoles, nos hôpitaux, nos maisons de retraite, et dans tous les bâtiments publics », promis par Emmanuel Macron en avril. Ainsi, à l’approche de la journée nationale de la qualité de l’air, nous appelons le Président à ne plus tarder et à lancer un plan ambitieux à la hauteur des enjeux.
L’amélioration de la santé publique en France passe par l’amélioration de la qualité de l’air et en particulier de l’air intérieur (QAI), qui peut être jusqu’à 10 fois plus pollué que l’air extérieur. Les solutions technologiques existent, y compris pour concilier une meilleure QAI avec la nécessité de réduire la consommation énergétique des bâtiments. Elles demandent des investissements, mais continuer à ne « rien faire » a aussi un coût, estimé à 19 milliards d’euros par an en 2014 (coûts sociaux-économiques de la pollution de l’air intérieur), et à un prix en vies humaines (plus de 20 000 décès par an).
Concernant les écoles, plus de 90 % des classes françaises dépassent les seuils fixés par l’OMS pour la concentration en particules fines, responsables de maladies et de décès, y compris chez les enfants. Nombreux sont les pathogènes qui se transmettent par l’air, comme nous l’avons tous appris avec la pandémie.
Or, l’insuffisance du renouvellement de l’air dans les écoles est connue de longue date. Nos enfants respirent un air vicié, contaminé en polluants physiques (les particules fines), chimiques (VOC) et biologiques, dont les aérosols infectieux, qui transmettent le Covid-19 mais aussi la grippe et d’autres maladies. L’air vicié impacte également les capacités cognitives, nuisant ainsi aux apprentissages. Ainsi, améliorer la qualité de l’air intérieur dans les écoles est crucial pour préserver la santé des enfants comme leur scolarité.
D’autres pays comme les États-Unis l’ont compris et ont fait de l’amélioration de la qualité de l’air intérieur une priorité nationale, en déployant un plan ambitieux d’investissements (plus de 350 milliard de dollars dont 122 milliards pour les écoles) et d’actions. La Maison-Blanche vient d’organiser une grande conférence sur la qualité de l’air intérieur (QAI) réunissant des membres d’agences nationales, des universitaires, des responsables d’écoles et d’entreprises, qui y présentent leur vision et leurs actions. Les solutions, les données scientifiques, technologiques et économiques sont détaillées par des experts de renommée internationale ainsi que par des entreprises et par ceux qui élaborent et mettent en œuvre les plans d’amélioration de la QAI.
Ailleurs, comme au Pérou, en Italie, à Hong Kong, l’amélioration de la QAI passe par de récentes dispositions législatives.
La France est en retard. Les investissements consentis à ce jour pour les écoles ne sont pas à la hauteur des enjeux : seulement 120 000 détecteurs de CO2 auraient été déployés pour plus de 500 000 classes et un nombre imprécisé de cantines, gymnases, salles communes. Aucune aide n’est disponible pour les purificateurs d’air. De plus, l’absence d’un cadre normatif ne fait que produire des inégalités sur le territoire.
Aucun plan ambitieux pour l’amélioration de la qualité de l’air intérieur n’est présent dans le projet de loi de finances pour 2023.
Ainsi, non seulement nous perdons l’occasion de relever le grand « défi de l’air sain », comparable à ce que fut celui de l’eau potable en son temps, mais face à l’hiver, à la énième vague de Covid-19 et aux nouveaux variants, nous sommes désarmés.
À l’automne, nous subissons déjà la quatrième vague de l’année, d’un virus qui ne se résout décidément pas à se réduire à une infection hivernale, encore moins bénigne. Avant la fin de l’année, le Covid-19 a déjà été associée à un nombre d’hospitalisations supérieur au nombre total de l’année précédente, et à un nombre de décès, plus de 30 000 durant ces dix mois, déjà deux à trois fois supérieur à celui enregistré pour la grippe. Non recensés, un nombre indéterminé de personnes, adultes et mineurs, souffrent de Covid long, une forme longue de la maladie qui peut être invalidante. Sans oublier les preuves, de plus en plus nombreuses, des séquelles cardiovasculaires, neurologiques et immunitaires causées par ce virus.
Ne pas s’attacher à améliorer la qualité de l’air intérieur signifie accepter d’autres victimes, d’autres malades d’une maladie qui se transmet, comme beaucoup d’autres, par l’air.
Pour nos enfants, qui passent près de 90-95 % de leur temps à l’intérieur, dont la moitié dans les écoles, cette renonciation signifie également les priver d’un environnement sain, permettant d’être en bonne santé et de réaliser leur potentiel, et finalement les priver d’une liberté fondamentale récemment reconnue par le Conseil d’État.
Nous avons tous le « droit à respirer un air qui ne nuise pas à sa santé » (Article L220-1 – Code de l’environnement).
Dans cette période de crises, la France n’a pas à continuer de supporter aussi les coûts de la pollution de l’air intérieur et de refuser le progrès. Pour la qualité de l’air, il y a beaucoup à faire !
Liste des signataires
Elisa ZENO, ingénieur de recherche, co-fondatrice du collectif « Ecole et Familles Oubliées »
Marie VALDES, Présidente de l’Association « Familles des enfants victimes du pims covid »
Cristina MAS, Collectif Covid Long Pédiatrique
Muriel ROUYER, professeure de science Politique et Parente d’élève élue FCPE
Cécile PHILIPPE, Institut économique Molinari
Philippe MOREAU CHEVROLET, Conseiller en communication et professeur à Sciences Po Paris
Christian LEHMANN, médecin généraliste
Thierry BAUBET, professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent
David SIMARD, docteur en philosophie de la santé et parent
Aude ROSSIGNEUX, journaliste
Valérie REVERT, cadre CPAM
Matthieu CALAFIORE, médecin généraliste
Barbara SERRANO, maîtresse de conférences associée, Université UVSQ – Paris-Saclay
Sylvain BOUCHON, avocat
Cécile RIBET-RETEL, parent d’élèves et présidente APE PEEP de Conflans Sainte Honorine
Michaël ROCHOY, médecin généraliste
Matthieu CHAUVEAU, professeur certifié et parent d’élève
Natica BARTKOWIAK, assistante sociale
Igor AURIANT, médecin réanimateur
Dominique LANG, Cadre infirmier en prévention et contrôle de l’infection
Audrey COULON, assistante maternelle et maman
Stéphane DEDIEU, Professeur des universités
Gisèle DASTE, parent d’élève
Renaud GUERIN, ingénieur
Solenn LESVEN, parent d’élève
Laure SOULÉ, parent
Christophe LEFEVRE, médecin
Solenn TANGUY, parent d’élève
Jonathan FAVRE, médecin généraliste et parent d’élève
Corinne PLANTE, commerçante et parent d’élève
Stéphanie EVEILLARD, parent d’élèves
Olivier DOUDON, professeur et parent
Nicolas PÉCASTAINGS, infographiste
Florent TETARD, Maitre de conférences Université Sorbonne Paris Nord , LSPM CNRS
Nathalie PIAT, développeuse web
Raphaëlle LAPÔTRE, conservatrice des bibliothèques, parent d’élève
Franck CLAROT, médecin radiologue, légiste
Corinne DEPAGNE, pneumologue
Armelle VAUTROT, universitaire et thérapeute
Yannick FREYMANN médecin généraliste
Audrey QUEHEN, parent d’élève