«L’Agirc-Arrco pourrait gérer une capitalisation»
La parole à Nicolas Marques, directeur général de l’Institut Molinari. Interview réalisée par Alexandre Garabédian et publié par l’AGEFI Hebdo le 26 janvier 2023, dans le cadre d’un numéro mettant en une le tabou français qu’est la capitalisation retraite.
Pourquoi jugez-vous nécessaire l’introduction d’une dose de retraite par capitalisation collective et obligatoire ?
Sans capitalisation, l’impact du choc démographique sur notre système de retraite ne sera pas traité, y compris par l’allongement de la durée de cotisations. Dans le privé, cela se traduira par une hausse des cotisations, qui ont déjà fortement augmenté depuis 40 ans, et surtout par la baisse du taux de remplacement qui va toucher de plein fouet les jeunes actifs. Dans le public, c’est pire : l’Etat a donné une garantie de prestation définie, 75 % du dernier salaire, sans constituer de provisions.
Pour équilibrer le régime des fonctionnaires, il doit y consacrer un tiers du déficit public, ce qui l’oblige à rogner sur d’autres dépenses, par exemple les embauches et le point d’indice.
La capitalisation peut apporter une réponse aux revendications exprimées par les opposants à la réforme Borne : si les Français ne veulent pas travailler plus longtemps, il leur faudra s’appuyer sur d’autres moyens qu’un système purement redistributif. Enfin, elle permet de constituer un bassin d’épargne profond pour financer en fonds propres les entreprises françaises.
Quelles leçons peut-on tirer des rares fonds de pension qui existent en France ?
L’Etablissement de retraite additionnelle de la fonction publique (Erafp) fonctionne bien, car il s’appuie sur des règles de gestion saines, des réserves et une gouvernance vraiment paritaire. II reste néanmoins très petit par rapport à l’enjeu de la retraite des fonctionnaires. Le cas de la Caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens (CAVP) est très intéressant : dès les années 1960, avec la mise en œuvre du numerus clausus et la perspective d’une démographie défavorable, cette profession a décidé d’ajouter une dose de capitalisation collective pour renforcer sa complémentaire retraite qui fonctionnait exclusivement en répartition.
On voit aujourd’hui toute l’efficacité de cette capitalisation, qui représente environ 40 % des cotisations mais 50 % des prestations de la complémentaire.
Comment adopter un tel système sans faire payer deux fois les cotisants ni être accusé de « privatiser » les retraites ?
II faut un engagement de l’Etat et des comptes sociaux. On peut financer un tel système avec un point de cotisations retraites supplémentaire, qui serait compensé par une baisse d’un point de CSG. Le gouvernement suit aujourd’hui la même logique avec la baisse des cotisations accidents du travail pour financer certaines mesures de la réforme des retraites. II est nécessaire, ensuite, de se greffer sur des gouvernances qui existent et qui fonctionnent. A l’Agirc-Arrco, les partenaires sociaux ont su créer un mécanisme vertueux et responsable, avec un système par points qui évite de créer des déséquilibres. Cette institution aurait tout à fait vocation à gérer un régime additionnel par capitalisation.