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En 13ème position dans le classement annuel européen des Etats moralisateurs, la France maintient sa place en matière de réglementations et taxes comportementales

Paris, le 4 octobre 2023 – L’Institut économique Molinari publie la 5ème édition de l’indicateur européen des Etats moralisateurs.

Ce classement présente la spécificité de prendre le pouls de l’inflation réglementaire sur le tabac, les cigarettes électroniques, l’alcool, les aliments et les boissons sans alcool au sein des pays de l’Union européenne et limitrophes représentant 610 millions d’habitants.

Il permet de suivre l’évolution des interdits et des fiscalités particulières destinées à réduire la consommation en imposant des contraintes et des coûts aux consommateurs.

CLASSEMENT EUROPEEN 2023 DES ETATS MORALISATEURS

Sont appelés « Etats moralisateurs » les pays les plus en pointe dans la réglementation ou la fiscalisation des comportements jugés « à vice », en lien avec la consommation de tabac, de cigarettes électroniques, d’alcool, ou d’aliments et boissons sans alcool.

La Turquie (1ère sur 30) est la championne des réglementations moralisatrices, suivie de la Norvège (2ème), puis de la Lituanie (3ème).

A l’opposé, l’Allemagne en tête des pays les moins moralisateurs (30ème), suivie de la République Tchèque (29ème) et de l’Italie (28ème).

LA FRANCE, EN 13ème POSITION, FIGURE PARMI LES PAYS MOYENNEMENT MORALISATEURS

La France est en 13ème position, en position intermédiaire dans la catégorie des pays moyennement moralisateurs.

Elle faisait initialement partie des pays les plus moralisateurs, avec une 9ème position dans l’édition 2016 de ce classement et une 6ème position en 2017. Mais, avec le temps, la France apparait de moins en moins moralisatrice, en raison d’une relative stabilité du cadre réglementaire et de la montée en puissance des législations moralisatrices chez ses voisins.

La réglementation française est particulièrement contraignante en matière de tabac (5ème position sur 30), d’aliments et boissons sans alcool (7ème position) et d’alcool (10ème position). Son positionnement sur les produits alternatifs au tabac comme la cigarette électronique est beaucoup moins moralisateur que celui de ses voisins (23ème position sur 30).

La France est le 5ème pays le plus moralisateur à l’égard du tabac. Habituée aux augmentations fortes et régulières des taxes sur le tabac, la France est parmi les 5 pays taxant le plus les fumeurs parmi les 30 pays classés. La tendance à la hausse continue en 2023, avec une augmentation des taxes le 1er mars et l’exécutif projette de faire passer le paquet de cigarette à 12 € en 2024. La France est aussi l’un des 10 pays à avoir adopté le paquet neutre. Il existe une interdiction totale de publicité sur le tabac. Il est interdit de fumer dans les voitures transportant des passagers de moins de 18 ans et les interdictions de fumer dans certains lieux publics à l’extérieur se développent. Par exemple, la ville de Paris a interdit de fumer dans plus de 70 parcs et jardins, tandis que Marseille et La Rochelle ont interdit de fumer sur plusieurs plages.

La France est le 23ème pays le plus moralisateur en matière de cigarette électronique. Son attitude tolérante vis-à-vis des cigarettes électroniques tranche avec les autres domaines. Elle permet à la France, au global, de figurer parmi les pays moyennement moralisateurs. Dans le domaine de la cigarette électronique, l’Hexagone fait souvent le choix de l’autorisation qu’il s’agisse de l’étalage, des arômes, des emballages. Ce choix de la modération est judicieux car, dans le domaine des comportements dits à vice, la meilleure des politiques publiques est sans doute celle qui favorise de meilleurs substituts, ce que semble être les produits sans combustion. Ce choix de politique publique pragmatique et non paternaliste mérite d’être souligné et encouragé.

La France est le 10ème pays le plus moralisateur en matière d’alcool. On observe une baisse durable de la consommation d’alcool en France. Cette baisse est de 60 % depuis 60 ans et de 26 % depuis 20 ans. La France est ainsi devenue le 13ème pays consommateur d’alcool de l’UE en 2022 alors qu’elle était encore 2ème en 2016. Les taxes sur le vin sont relativement clémentes. La taxation en 2022 sur les vins tranquilles est de 0,0392 €/l et de 0,0137 €/l pour les cidres, poirés et hydromels. La France a, par contre, un des cadres les plus restrictifs au monde concernant la publicité sur l’alcool. La publicité est interdite totalement à la télévision et sur d’autres médias (réseaux sociaux…), certaines publicités étant autorisées à la radio à des horaires tardifs. Ces mesures ont été adoptées dans le but de diminuer la consommation d’alcool par les mineurs ainsi que les « binge-drinking ». Les résultats n’ont pas été au rendez-vous, aussi le gouvernement a fixé l’âge légal minimal pour l’achat d’alcool à 18 ans tout en instaurant en 2016 une interdiction des encouragements aux beuveries express.

La France est le 7ème pays le plus moralisateur pour les aliments et boissons sans alcool. Depuis 2004, les distributeurs de boissons ou d’aliments manufacturés sont interdits dans les établissements scolaires, écoles, collèges et lycées. Début 2017, les fontaines à soda en libre-service sont interdites. Cela fait plusieurs années que la France impose les boissons sucrées en fonction de leur teneur en sucre. Les boissons contenant des édulcorants de synthèse et les boissons sucrées qui contiennent du sucre à un taux inférieur de 10g/l sont taxées à hauteur de 0,0317 €. Ce taux augmente en fonction de la teneur en sucre. Par exemple, un litre d’une boisson contenant 50 g de sucre par litre est taxé à 0,058 € par litre et une boisson contenant 100 g par litre est taxée à 0,1423 €.

UNE TENDANCE AU DURCISSEMENT DES REGLEMENTATIONS ET FISCALITES COMPORTEMENTALES

Depuis la précédente édition, il y a eu quelques assouplissements qui méritent d’être notés. La Norvège a supprimé sa taxe sur les aliments et boissons sucrées. L’Italie a baissé sa taxe sur les liquides des cigarettes électroniques. Chypre a réduit la TVA sur l’alcool vendu dans les bars. En Slovaquie, la publicité à la télévision est dorénavant autorisée dès 20 heures, au lieu de 22 heures, et l’Espagne, après l’avoir complètement interdite, l’autorise dorénavant de 13 à 17 heures.

Ces exemples restent cependant isolés car qu’il s’agisse d’alimentation, de cigarettes électroniques ou de tabac, les réglementations comportementales ont le vent en poupe. On assiste globalement à une surenchère de réglementations, cette dynamique venant plus des gouvernements nationaux que de l’Union européenne.

S’agissant du tabac, tous les pays, y compris l’Allemagne, imposent dorénavant une interdiction quasi-totale de la publicité sur les cigarettes. Les interdictions de fumer dans les espaces publics est presque totale dans la moitié d’entre eux. Dix pays ont rendu obligatoire le paquet neutre.

S’agissant des cigarettes électroniques, quinze pays taxent les liquides, contre 8 en 2017. Les taxes vont de 8 centimes d’euros par millilitre en Hongrie à 21 centimes en Suède. Si les réglementations sur les e-cigarettes ont été assouplies dans des pays comme le Danemark ou la Belgique depuis 2016, les interdictions ont continué de s’étendre ailleurs. Dans vingt pays, il existe des restrictions légales concernant l’utilisation des e-cigarettes. Quatorze d’entre eux interdisent le vapotage là où la cigarette est elle aussi prohibée. Quinze pays interdisent quasi totalement la publicité sur les cigarettes électroniques. Enfin, deux pays interdisent presque totalement la cigarette électronique (Norvège et Turquie).

S’agissant de l’alcool, la réglementation a été durcie en Lituanie, Ecosse, Irlande et pays de Galles. La Lituanie a, par exemple, passé l’âge légal d’achat d’alcool à 20 ans en 2018. L’Ecosse, l’Irlande et le pays de Galles ont dorénavant des prix planchers. L’Irlande – qui depuis des années durcit son approche paternaliste – est devenue en 2020 le premier pays de l’UE à imposer la vente sous le comptoir de l’alcool dans les magasins. Inspirée de celle portant sur les produits du tabac, la politique du « rideau d’alcool » oblige les supermarchés et autres magasins de vente au détail non spécialisés à entourer les boissons alcoolisées d’une barrière physique.

S’agissant des aliments et boissons sans alcool, douze pays sur trente imposent des taxes sur les boissons sucrées allant de 7 à 30 centimes par litre. En 2017, il n’y en avait que 5. Certains pays ont aussi augmenté la TVA sur les boissons sucrées et dans la majorité d’entre eux, les taxes sur les boissons sucrées s’appliquent aussi aux boissons avec édulcorant.

Comme le montre cette nouvelle édition des Etats moralisateurs, les forces favorables à un contrôle plus strict des comportements jugés néfastes à la santé ne rencontrent presque pas de résistance.

DES RÉGLEMENTATIONS ET TAXES GENERATRICES D’EFFETS PERVERS

Les règlementations et taxes « comportementales », loin d’être neutres, créent des distorsions et des surcoûts. Les taxes sur les « vices » augmentent le coût de la vie, ce qui pénalise particulièrement les plus modestes. Des règles trop drastiques et des prix trop élevés alimentent le marché noir et la corruption. Les interdictions favorisent la croissance de la bureaucratie et consomment des ressources administratives. Dans le même temps, elles restreignent la concurrence et étouffent l’innovation.

Ces effets pervers sont parfois reconnus, mais certains considèrent qu’ils sont un moindre mal compte tenu des enjeux. Les bénéfices des mesures comportementales seraient supérieurs à leurs coûts. Il n’y a cependant pas toujours de preuve claire que cela soit le cas. D’une part, l’expérience montre que les mesures paternalistes ne sont jamais assez efficaces, ce qui alimente une surenchère réglementaire. D’autre part, les pays les plus paternalistes n’affichent pas nécessairement les meilleurs scores en longévité ou prévalence.

CITATIONS

Cécile Philippe, présidente de l’Institut économique Molinari (Paris-Bruxelles) :

« L’élargissement du champ d’application des réglementations comportementales est une tendance de fond inquiétante.

Les pouvoirs publics ne se contentent plus d’encadrer l’alcool ou le tabac. Ils développent de plus en plus de règlementations particulières sur les aliments les boissons sans alcool ou la cigarette électronique. Il ne s’agit plus de lutter contre les comportements créant des dangers pour les tiers – par exemple contre la conduite en état d’ivresse qui est un danger pour les autres – mais de protéger les consommateurs contre les risques qu’ils sont susceptibles de créer pour eux-mêmes.

L’approche à l’égard des comportements à vices est devenue excessivement précautionniste. Il ne s’agit pas de lutter contre les risques systémiques, qu’il faut veiller à endiguer en raison de leur nature multiplicative, mais contre les risques en général. L’approche précautionniste devrait être réservée aux risques systémiques menaçant la sociétés dans sa globalité. Sinon, il y a danger que le principe de précaution soit rejeté en bloc, y compris quand il peut être crucial d’y recourir, par exemple dans le cadre de pandémies. Abuser du principe de précaution, en l’appliquant à des comportements qui ne présentent pas de risques de contagion pour les autres, c’est créer du risque.

La multiplication des restrictions et taxations comportementales est loin de produire systématiquement les effets escomptés. On sait que la réglementation et la taxation sont de nature à favoriser l’essor du marché parallèle. De plus, l’interventionnisme peut, dans certains cas, favoriser ou retarder de façon contreproductive les phénomènes de substitution. Une politique visant des changements de comportements doit impérativement s’inquiéter pour réussir de l’existence, ou pas, de bons substituts. Elle doit éviter l’écueil d’être exclusivement pénalisante pour le consommateur.

La meilleure stratégie comportementale est celle qui s’attèle en priorité à investir dans des produits de substitution solides comme semblent, par exemple, l’être les produits sans combustion du tabac. Dans ce domaine, l’approche française est plus pragmatique que celle de nombreux autres pays européens. »

Christopher Snowdon, Directeur de la division économie des modes de vie à l’Institute of Economic Affairs (Londres) :

« Il n’y a pas de gloire à être parmi les pays les plus moralisateurs, même si beaucoup de décideurs publics semblent convaincus qu’il faut traiter les citoyens comme des enfants.

L’indicateur des Etats moralisateurs montre d’importantes différences entre les pays les plus tolérants comme l’Allemagne, la République Tchèque ou l’Italie et les pays les plus moralisateurs comme la Turquie, la Norvège ou la Lituanie.

Pour autant, la tendance est au durcissement. C’est regrettable, car les réglementations et taxes moralisatrices réduisent drastiquement nos libertés individuelles sans nécessairement produire les effets attendus. »

A PROPOS DE L’AUTEUR ET DE LA METHODE

L’indicateur des Etats moralisateurs est un baromètre particulièrement utile pour suivre, d’année en année, l’évolution des politiques comportementales dans l’UE. Il est le plus exhaustif en la matière.

Cette étude a été réalisée par Christopher Snowdon. Christopher est Directeur de la division économie des modes de vie à l’Institute of Economic Affairs (Londres). Il est spécialiste des questions réglementaires liées aux modes de vie. Son travail a été réalisé en partenariat avec plusieurs think tanks européens, dont l’Institut économique Molinari.

L’Institut économique Molinari a souhaité publier une version française de cette étude, qui est l’une des plus exhaustives en la matière, avec les notations pour 27 pays de l’Union européenne et 3 pays limitrophes (Norvège, Royaume-Uni et Turquie), soit 610 millions d’habitants. Il s’agit d’un baromètre particulièrement utile pour suivre, d’année en année, l’évolution des politiques comportementales dans l’Union européenne.

L’étude est une adaptation de la version anglaise, complétée par des synthèses de travaux thématiques réalisés par l’Institut économique Molinari (Zooms 1 à 5).

L’Institut économique Molinari est un organisme de recherche et d’éducation dont la mission est de favoriser une meilleure compréhension des phénomènes et défis économiques, en les rendant accessibles au grand public. Ses travaux contribuent à stimuler l’émergence de nouveaux consensus, en proposant une analyse économique des politiques publiques illustrant l’intérêt de réglementations et de fiscalités plus clémentes. L’IEM est une organisation à but non lucratif, financée par les cotisations volontaires de ses membres, individus, fondations ou entreprises. Affirmant son indépendance intellectuelle, il n’accepte aucune subvention publique.

L’ETUDE EST DISPONIBLE EN FRANÇAIS

INFOGRAPHIES

POUR TOUTE INFORMATION OU INTERVIEW, CONTACTER

Cécile Philippe, présidente de l’Institut économique Molinari (français ou anglais),
cecile@institutmolinari.org, +33 6 78 86 98 58

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