Pisa : derrière l’inefficience française, un surcoût de 16 milliards d’euros
Alors que la dernière enquête de l’OCDE confirme le décrochage des élèves français, l’efficacité de la dépense publique en matière d’éducation interroge.
Dans L’Express, partenaire du lancement de notre étude éducation et formation, l’article de Béatrice Mathieu, responsable du service économie. Il sortait le 5 décembre, le jour de la publication par l’OCDE d’une nouvelle enquête PISA attestant d’une nouvelle baisse alarmante du niveau des élèves français.
Il y a la note… et les notes. En fin de semaine dernière, l’agence de notation Standard & Poor’s, qui évalue la qualité de la dette des Etats, a renoncé à abaisser la note de la France. Mardi 5 décembre, l’OCDE, qui a rendu publique sa copie sur l’état de santé des systèmes éducatifs dans le monde, a lancé un sérieux avertissement à la France. Sans surprise, les résultats de la dernière enquête Pisa sont médiocres. Très médiocres, même. Si l’Hexagone reste dans le ventre mou de la classe mondiale, la performance des élèves français a encore dévissé par rapport à la précédente enquête, datant de 2018. Et ce dans toutes les matières, mais plus particulièrement en mathématiques.
Tout ça pour ça !
A première vue, aucun lien entre ces deux événements. Et pourtant, comme souvent, tout est affaire d’argent public. En France, l’éducation reste le premier poste de dépense publique. Rien que sur l’année 2022, la nation a consacré près de 78 milliards d’euros à éduquer ses enfants. Un montant à comparer aux 52 milliards absorbés par la défense, aux 21 milliards dépensés pour la politique de l’emploi ou aux 11 milliards pour le fonctionnement de la justice. Entre 1985 – date à laquelle l’objectif d’amener 80 % d’une classe d’âge au niveau du bac avait été fixé par le ministre de l’Education Jean-Pierre Chevènement – et 2022, le taux de bacheliers a quasiment triplé. Parallèlement, la dépense publique moyenne par élève a grimpé de 5 200 euros à 9 860 euros, en gommant l’effet de l’inflation. Un bond de 90 % !
D’emblée, un « tout ça pour ça » nous vient à l’esprit, alors que les stratégies d’évitement des établissements les moins prisés et la fuite vers l’enseignement privé ont progressivement été érigées en sport national.
Si ce n’est pas l’argent qui manque, c’est bien la façon dont il est dépensé qui pose problème. Au cœur du mal français, une nouvelle fois, le manque d’efficacité de la dépense publique. En matière d’éducation, cette inefficience est manifeste. Pour l’évaluer, les experts de l’Institut Molinari ont fait un travail méthodique en mettant en perspective les résultats des enquêtes internationales avec les statistiques de dépenses publiques d’une trentaine de pays. Les résultats sont édifiants : en termes d’efficacité globale de son système éducatif – primaire, secondaire et supérieur –, la France se classe en 22ᵉ position, très loin derrière le trio de tête, composé de l’Irlande, de l’Estonie et des Pays-Bas.
Une non-adéquation qui coûte 0,6 % du PIB par an
Alors que la France dépense en moyenne plus que ses voisins européens, l’école de la République ne parvient ni à améliorer les compétences des élèves de l’école primaire et du secondaire ni à réduire les inégalités entre eux. Dans le supérieur, la course au diplôme et la surqualification d’une partie de la jeunesse vont de pair avec un taux de chômage des jeunes (8,2 %) qui reste encore aujourd’hui plus élevé que la moyenne européenne (6,5 %). En bout de course, l’inefficience française en matière d’éducation et de formation coûterait 16 milliards d’euros par an à la collectivité. « L’identification des domaines où il est possible de faire des économies tout en augmentant la qualité des prestations est un enjeu collectif. La non-adéquation de notre système éducatif à l’emploi coûte chaque année de l’ordre de 0,6 % du PIB », souligne l’économiste Pierre Bentata, coauteur de l’étude et maître de conférences à l’université d’Aix-Marseille.
En bout de course, c’est la capacité d’innovation du pays, son aptitude à rester dans la compétition mondiale, sa faculté à intégrer les plus faibles qui décline. Un décrochage français que la valse des ministres de l’Education n’a jamais stoppé. Rien que pour ça, Standard & Poor’s aurait pu sanctionner la France…