S’endetter pour économiser
Pour résoudre, au moins en partie, le problème de la dette publique, il va falloir prendre le temps de la transformer en investissement, en provisionnant notamment une partie des retraites. Chronique par Cécile Philippe, présidente de l’Institut économique Molinari, publiée dans Les Échos.
Après un été olympique joyeux, festif et dispendieux, l’heure est de nouveau aux économies. La France en cherche depuis longtemps avec grande difficulté. Depuis des décennies, la dette d’Etat augmente et rien ne semble pouvoir enrayer le processus.
Tout pousse à la dépense : l’éducation, la santé, les retraites, etc. L’exercice visant à trouver des économies – un rituel bien huilé – s’apparente davantage à un exercice de style qu’à un travail de fond. Car pour résoudre – au moins en partie – le problème de la dette publique, il va falloir prendre le temps de la transformer en investissement.
Population vieillissante
Posons le problème. Le pays consacre 32 % de son PIB au financement de la protection sociale. C’est le premier poste de dépense. En son sein, les retraites absorbent 14 % du PIB. Pourquoi ? Parce que la population française vieillit. Or, chez nous, les recettes de la protection sociale viennent avant tout de la fiscalité et du travail des individus. L’équation semble simple. Avec une population vieillissante, les rentrées fiscales sont moins dynamiques et les dépenses sociales explosent. Il faut agir sur l’une ou l’autre des variables.
Face au vieillissement, les mesures ont consisté à augmenter les cotisations, retarder les retraites et baisser les prestations. Chaque mesure présente des inconvénients : l’augmentation des cotisations crée du chômage, le recul de la retraite génère des frictions et la baisse des prestations pénalise le pouvoir d’achat des retraités orienté à la baisse.
Provisionner les retraites
Une mesure essentielle reste encore négligée, car elle suppose de penser l’impensable, à savoir capitaliser, et s’endetter pour transformer une partie des promesses de retraite en investissement. L’Etat économiserait des dizaines de milliards par an s’il provisionnait les retraites de ses employés.
De même, le financement des retraites du privé serait moins coûteux s’il reposait sur une dose de capitalisation collective, à l’image de ce dont bénéficient déjà 4,5 millions de fonctionnaires avec leur fonds de pension (Etablissement de retraite additionnelle de la fonction publique, Erafp). Cela permettrait à terme de réduire les déficits structurels tout en créant les conditions d’une meilleure compétitivité.
Il faudra s’endetter pour financer ce rééquilibrage, mais cela sera un investissement rentable puisque le rendement des capitalisations collectives est supérieur au coût de la dette publique. Progressivement, les dividendes et plus-values se substitueront en partie aux taxes, cotisations et aux déficits liés aux retraites.
Bonne dette et mauvaise dette
Plus que jamais, les citoyens sont fatigués de constater l’incapacité de l’Etat à les protéger de risques importants. Ils voient avec défiance leur pouvoir d’achat stagner et assistent impuissants à la détérioration du rapport coût/qualité des services publics.
Dans ce contexte, l’annonce de nouvelles taxes – dans un pays à la croissance presque inexistante et surtaxée – est contreproductive. De la même façon, rechercher des économies en omettant la question clé du vieillissement ne permettra pas de créer des économies durables et empêche de prévenir un risque qui pèse sur toute la société.
Il est grand temps que nos dirigeants réapprennent la différence entre la bonne dette et la mauvaise et qu’ils se réapproprient les risques systémiques. Un Etat stratège engagerait ce sujet au niveau de l’Union européenne, car nous ne sommes pas les seuls à avoir besoin de nous endetter pour faire des économies durables. Il est temps de sortir des sentiers battus.