Les tendances néo-prohibitionnistes de la lutte anti-tabac cachent des risques pour la santé et les finances publiques, selon une nouvelle étude de l’IEM
Communiqué de presse
Paris, le 1er février 2012 – Il y a 5 ans (1/02/07), le gouvernement français imposait l’interdiction de fumer dans la plupart des lieux publics fermés (les bars, restaurants, etc., y ont été soumis à partir du 1er janvier 2008). Depuis, les choses se sont encore durcies et l’objectif est désormais de « dénormaliser » le marché du tabac, dixit le député Yves Bur qui – dans le cadre d’un groupe de travail chargé d’évaluer l’application en France de la Convention-cadre de lutte anti-tabac de l’OMS (CCLAT) – devrait dévoiler dans les prochains jours de nouvelles « propositions assez fortes » en ce sens.
Sous l’impulsion de la CCLAT et dans leur lutte contre le tabagisme, de nombreux États ont, en effet, multiplié leurs réglementations anti-tabac. Au point que la question de sa prohibition n’est plus une simple lubie dans certains pays. Des projets de loi en ce sens ont déjà vu le jour, entre autres, en Finlande ou en Islande. Le Bhoutan, en Asie, a même franchi le pas en interdisant totalement la vente de tabac en 2004. En France, Jacques Attali s’est aussi déclaré en faveur d’une telle interdiction du tabac, estimant que le sujet devrait être au centre des débats lors des élections présidentielles, alors que la Ligue contre le cancer souhaite imposer une « sortie du tabac » à l’horizon 2030.
« Le fait est que face à une demande qui « refuse » de disparaître, la lutte anti-tabac s’engage de plus en plus dans une logique de prohibition de facto du tabac. Elle consiste à étouffer de façon graduelle – et à terme totale – le marché officiel de tabac », souligne Valentin Petkantchin, auteur de l’étude.
Une « bouffée d’oxygène » pour le marché noir
Or, quand le marché officiel est mis « hors jeu », le marché noir prend systématiquement le relais pour satisfaire la demande, à l’image de ce qui s’est passé au Bhoutan.
C’est aussi la leçon de l’une des expériences occidentales les plus sévères en la matière, la prohibition d’alcool aux États-Unis entre 1920 et 1933. Après une baisse initiale, la consommation est repartie à la hausse par la suite. Elle aurait été 5 fois plus importante en 1929 qu’en 1921.
Une néo-prohibition du tabac serait d’autant plus contreproductive qu’il existe d’ores et déjà un marché noir de cigarettes bien organisé :
• un trafic illicite estimé à 11% du marché mondial ;
• un « manque à gagner » en termes de recettes fiscales non-collectées pour les États européens d’environ 10 milliards d’euros ;
• 20% des achats effectués en dehors du réseau officiel en France, dont 5% provenant du trafic illicite (contrebande, contrefaçon et ventes sur Internet).
Ce marché illicite, nourri par une fiscalité écrasante de l’ordre de 80% du prix de détail d’un paquet en France – se substituera à l’offre légale, si les actions toujours plus prohibitives des pouvoirs publics finissent par la faire disparaître. Or, une telle situation présente des effets pervers que ce soit en matière de santé ou de finances publiques.
Une consommation plus dangereuse
D’une part, les consommateurs font face sur le marché illicite à un manque d’information chronique et à des produits de moindre qualité, parfois plus dangereux pour la santé.
• les boissons vendues au « noir » lors du « régime sec » avait une teneur en alcool 2,5 fois plus élevée et pouvait contenir des substances dangereuses pour la santé (alcools industriels) ;
• les cigarettes de contrebande, produites dans l’illégalité, peuvent avoir des niveaux de cadmium et de plomb – des métaux nocifs pour la santé – 6,5 et 13,8 fois plus importants que dans les cigarettes originales de marque.
Les politiques visant à pénaliser les achats sur le marché officiel condamnent paradoxalement les fumeurs à se fournir en produits illicites potentiellement plus nocifs pour leur santé, souligne l’étude de l’IEM.
Des finances publiques dégradées
D’une part, les politiques néo-prohibitionnistes menacent l’ensemble de la filière légale de tabac et les recettes fiscales que l’État en retire. Cette activité représente en 2010 :
• 3,4 milliards d’euros de revenus pour les fabricants de tabac, les distributeurs et les 28 000 buralistes en France ;
• environ 13,2 milliards d’euros en TVA et droits de consommation ;
• d’autres recettes, liées à la fiscalité des entreprises (impôt sur les sociétés, etc.).
D’autre part, la néo-prohibition du tabac nécessite le déploiement de moyens policiers, judiciaires, etc., supplémentaires pour lutter contre le trafic illicite. Il s’agit de ressources qui ne peuvent du coup pas être utilisées pour protéger la population contre de vraies agressions. La population dans son ensemble risque également de souffrir de l’augmentation du crime organisé avec son lot de violence et de corruption qui l’accompagnent.
L’étude de l’IEM conclut : dans cette logique néo-prohibitionniste, la lutte anti-tabac risque de s’enliser et de devenir une lutte sans fin contre le trafic de tabac. Les effets pervers de toute nouvelle proposition visant la « dénormalisation » de l’offre légale de tabac ne devraient plus être ignorés.
Intitulée Et si on interdisait tout simplement le tabac ?, l’étude est disponible sur notre site.
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L’Institut économique Molinari (IEM) est un organisme de recherche et d’éducation qui vise à entreprendre et à stimuler l’approche économique dans l’analyse des politiques publiques. Il s’est fixé comme mission de proposer des solutions alternatives et innovantes favorables à la prospérité de l’ensemble des individus composant la société.
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