Hausse du prix du tabac : du pain béni pour la contrebande
Texte d’opinion publié le 2 juillet 2012 sur Atlantico.
Le gouvernement socialiste se prépare à replonger dans les poches des fumeurs. En effet, il a confirmé l’augmentation, dès le mois de septembre prochain, de 6% du prix du tabac, tel que décidé par le gouvernement précédent. Cette décision réjouit sans doute déjà les trafiquants qui verront ainsi leur commerce illicite, déjà fort dynamique, dopé.
Comment ne le serait-il pas quand de nombreux États abusent depuis des décennies de la fiscalité sur les cigarettes ?
Par exemple, en France, les taxes et droits sur le tabac représentent déjà environ 80% du prix de détail, c’est-à-dire que le prix de vente est environ 5 fois plus élevé que ce qu’il devrait être. Or, obliger la filière légale à vendre le tabac à de tels niveaux de prix – déconnectés de toute réalité économique – revient ni plus ni moins à « garantir » une marge commerciale et un profit assuré aux trafiquants. Pas étonnant que le marché illicite prospère dans de telles conditions !
Les trafiquants ne manquent pas, d’ailleurs, de dynamisme, en développant notamment toutes sortes de moyens de commercialisation. Ils sont ainsi capables de fournir des cigarettes aussi bien par conteneurs entiers qu’en petites quantités, via Internet ou par voie postale. Le trafic illicite est ainsi estimé à 11% du marché mondial, soit plus de 600 milliards de cigarettes par an. Le « manque à gagner » en termes de recettes fiscales non-collectées pour les seuls États européens se monterait annuellement à environ 10 milliards d’euros.
En France, la contrebande, la contrefaçon et les ventes sur Internet représentent, selon un rapport officiel de 2011, 5% du marché. Cependant, ce même rapport avait estimé que pas moins de 20% des cigarettes fumées en France n’étaient pas achetées dans le réseau légal, échappant ainsi à la fiscalité et à la réglementation françaises.
De plus, ces chiffres ne tiennent pas compte de l’impact de la hausse précédente des prix, pratiquée à l’automne 2011 (une hausse de 6% identique à celle annoncée pour septembre prochain). Or, des baisses dans les volumes de ventes officielles de – 4% à – 5% (et même de – 10% dans les zones frontalières) ont été rapportées, suite à cette hausse des prix et à l’accélération des achats sur le marché parallèle qu’elle a causée.
Le gouvernement actuel compte sans doute « presser un peu plus le citron » en ces temps de crise, tout en pensant éviter que « trop d’impôt tue l’impôt ». Et s’il se trompait ? Et si cette nouvelle hausse était la hausse de « trop » et poussait un nombre croissant de fumeurs à déserter l’offre légale pour s’approvisionner sur le marché noir ?
Les estimations en la matière ne relèvent pas d’une science exacte et dépendent de nombreux facteurs. Or, les contraintes budgétaires des consommateurs de tabac sont de plus en plus serrées du fait de la crise actuelle et rien ne peut garantir que la hausse – de plus de 12% en deux ans – ne fasse pas décliner substantiellement les volumes d’achats officiels de tabac.
Or, ce serait évidemment une mauvaise nouvelle pour les finances publiques mais davantage encore pour la santé. Car les lobbies anti-tabac oublient bien souvent les effets pervers sur le plan de la santé d’une fiscalité visant in fine une prohibition de facto du tabac en rendant ce dernier hors de prix. La hausse du trafic illicite que de telles politiques nourrissent se caractérise en effet par des cigarettes plus nocives pour les fumeurs qu’ils soient jeunes ou adultes.
De même, au lieu d’engranger des recettes supplémentaires, la nouvelle hausse des prix pourraient causer leur stagnation, voire leur recul, si les consommateurs de tabac se « rebellaient » et la contrebande s’accélérait. Sans compter les sommes qu’il faudrait allouer à la lutte contre le trafic illégal, ni les coûts indirects liés à la violence du crime organisé et à la corruption subis par l’ensemble de la société. Pas facile de les quantifier mais dangereux de les ignorer.
L’exemple de l’Irlande illustre bien ces risques. Malgré de fortes hausses des droits et taxes sur le tabac au cours de la décennie 2000-2009 (+68%), les recettes de l’État n’ont pas augmenté. C’est la contrebande qui a explosé passant – entre 2005 et 2009 – de 8% à 25% de la consommation de tabac. Le ministre des Finances a finalement dû reconnaître que « le prix élevé est lié à une contrebande de cigarettes massive », refusant à la fin de 2009 de nouvelles augmentations.
Le gouvernement socialiste qui semble à la recherche de moyens de se démarquer du gouvernement précédent, vient de manquer une belle occasion.
Valentin Petkantchin est chercheur associé à l’Institut économique Molinari.