Ne le dites surtout pas à Angela, 2ème partie
Texte d’opinion publié le 2 juillet 2012 dans Protection & Rendements (première partie publiée le 27 juin 2012).
Bien que l’ELA — ou Emergency Liquidity Assistance – soit une facilité qui de facto donne le «permis d’imprimer» aux pays membres de la zone euro — affectant ainsi le pouvoir d’achat de tous les détenteurs de la monnaie unique — les détails sont pourtant gardés volontairement secrets par la BCE.
Le reclassement comptable, opéré en avril 2012 par la BCE, donne cependant la possibilité d’en savoir un peu plus sur l’utilisation de cette «facilité d’urgence» par les différents pays. En effet, les banques centrales nationales ont dû normalement en tenir compte dans leurs bilans mensuels d’avril. Une comparaison avec ceux du mois précédent permet ainsi d’identifier les mouvements inter-bilan et de déduire les montants éventuels d’ELA utilisés.
Ainsi, dans le dernier bilan mensuel publié de la Banque nationale de Grèce (en date du 30 avril 2012) la rubrique 6 fait un bond extrêmement important (voir Figure 1). La différence à ce titre par rapport au bilan de mars 2012 — soit plus de 59 milliards d’euros — correspond sans doute au montant de l’ELA grecque déclaré au 30 avril (ce montant peut bien sûr avoir été différent juste avant ou après cette date).
Figure 1 : Autres créances en euros sur des établissements de crédit de la zone euro en Grèce, en Irlande et en Chypre, mars-avril 2012 (avant et après le reclassement comptable)
Source : Banques centrales nationales grecque, irlandaise et chypriote ; calculs de l’auteur.
De même, l’Irlande continue en toute vraisemblance à y avoir recours pour près de 41 milliards. Enfin, Chypre, qui s’apprête à demander à son tour l’aide financière de la zone euro, aurait également déjà fait tourner sa «planche à billets» pour 3,8 milliards d’euros.
Selon les textes européens, la responsabilité et les pertes qui sont associées à l’utilisation d’ELA relèvent cependant de chaque banque nationale et non pas de l’Eurosystème dans son ensemble. En absence de mutualisation au sein de la zone euro, elles relèveraient de la responsabilité de l’État et viendraient logiquement s’ajouter à sa dette en cas de problème. Une utilisation massive d’ELA est par conséquent susceptible de mettre en danger la solvabilité des États, ou d’aggraver leur insolvabilité comme c’est le cas de la Grèce.
Les sommes que représente ELA en Grèce, mais aussi en Irlande et en Chypre (sans doute les principaux utilisateurs de ce type de facilité d’urgence), sont importantes. Il suffit de constater qu’elles se montent ainsi respectivement à :
(voir Figure 2)
=> 37%, 26% et 24% du bilan de leur banque centrale nationale ;
=> 67%, 73% et 52% des recettes publiques totales du pays (chiffres de 2011)
=> un alourdissement potentiel de la dette des Etats de 28%, 26% et 21% de leur PIB (chiffres de 2011).
Figure 2 : Poids d’ELA dans trois pays : Grèce, Irlande et Chypre
Source : Bilans mensuels des banques centrales nationales (BCN) ; Eurostat ; calculs de l’auteur.
À l’évidence, étant donné l’insolvabilité de ces pays, les coûts, liés à ce «permis d’imprimer» des banques centrales nationales qu’est ELA, devront eux aussi être supportés par le reste de la zone euro. Une raison de plus pour les investisseurs et les épargnants de ne pas perdre de vue cette source de création monétaire supplémentaire.
Valentin Petkantchin est chercheur associé à l’Institut économique Molinari.