Bisphénol A : quand le gouvernement « sabote » la sécurité alimentaire
Texte d’opinion publié le 11 octobre dans La Tribune.
Imaginez que les couteaux de cuisine, les voitures ou les parachutes soient interdits parce qu’ils seraient susceptibles de causer des coupures, des accidents de la route ou des défaillances lors des sauts dans le vide. Vous conviendrez sans doute qu’il serait absurde d’ignorer leurs nombreux bénéfices, en se focalisant sur leurs seuls risques théoriques potentiels.
Pourtant, c’est ce qui vient de se passer dans le cas du Bisphénol A ou BPA.
Regardez autour de vous. Votre niveau de vie dépend de nombre de produits qui en contiennent : boîtes et vaisselle micro-ondables, bonbonnes d’eau réutilisables, équipements médicaux, DVD, CD, téléphones portables, appareils photos, ordinateurs, TV, automobiles, etc.
Mais le BPA est aussi utilisé depuis plusieurs décennies dans des résines époxy afin de protéger nos aliments et nos boissons sous la forme de vernis. Ces résines, c’est à l’heure actuelle notre « parachute » en matière de sécurité alimentaire !
Ils recouvrent, en effet, les cannettes et autres contenants alimentaires en métal, mais aussi les couvercles des bocaux ou les capsules des bouteilles en verre. Ils sont le seul « rempart » pour lutter contre les intoxications alimentaires, liées à des bactéries comme l’E. Coli ou le botulisme, une maladie paralytique grave pouvant causer la mort.
Or, voilà que le gouvernement a décidé de supprimer ce « parachute » sous prétexte qu’il pourrait aussi théoriquement présenter des dangers : le Sénat a ainsi décidé d’entériner l’interdiction du BPA de tous les contenants alimentaires pour le 1e janvier 2015.
Peu importe que sa dangerosité n’ait pas été confirmée par une évaluation rigoureuse des risques et que les autorités dans les autres pays confirment régulièrement son innocuité dans les conditions d’utilisation réelle. C’est ‘ailleurs ce qu’a fait en septembre dernier l’autorité sanitaire du Canada – pourtant le premier pays à avoir interdit le BPA des biberons. Pendant, ce temps, les autorités françaises prévoyaient son interdiction.
Le BPA vient d’être interdit alors qu’on ne sait pas exactement par quel autre produit il sera possible de le remplacer dans des conditions de sécurité au moins identiques. En effet, la mise au point de A à Z d’un nouveau vernis prendrait, en cas de succès à tous les niveaux, entre 5 à 8 ans. Par quoi remplaceriez-vous les parachutes, s’ils tombaient sous le coup d’une interdiction brutale ?
Certes, des solutions de rafistolage existent, et encore pas pour la totalité des usages du BPA si on veut maintenir le niveau de sécurité alimentaire actuelle. Un retour massif en arrière vers, par exemple, les oléorésines – la norme avant les années 60 et l’arrivée des résines époxy – est aussi possible, mais n’oublions pas qu’elles adhèrent moins bien au métal, sont moins résistantes à la corrosion et réduisent la durée de vie des produits conservés. D’autres substituts au BPA ont été essayés mais il n’est pas sûr que les dangers pour la santé soient moindres.
Il s’agira de compromis, inférieurs d’un point de vue économique et industriel. Quant à leurs effets sanitaires, ils sont moins connus, à la différence du BPA, si on venait à les utiliser à grande échelle et sur de longues périodes.
Bref, avec cette interdiction, nous risquons, en tant que consommateurs, d’y perdre largement sur le prix et sur la qualité des produits, mais, aussi en matière de sécurité alimentaire.
Voir l’étude de l’Institut économique Molinari, disponible sur notre site.
Valentin Petkantchin est chercheur associé à l’Institut économique Molinari.