Exclusivité – La taxe Nutella : haro sur l’huile de palme
Texte d’opinion publié exclusivement sur le site de l’Institut économique Molinari.
La commission des Affaires sociales du Sénat a adopté mercredi 7 novembre un « amendement Nutella » au projet de budget de financement de la sécurité sociale visant à augmenter de 300% la taxe sur l’huile de palme qui entre notamment dans la composition de ce produit alimentaire culte.
Le rapporteur de la commission Dandigny explique que cela doit être un signal à « destination des industries agro-alimentaires pour qu’elles substituent à ces huiles de nouvelles compositions plus respectueuses de la santé humaine ».
L’huile de palme, en plus d’être considérée dangereuse pour l’environnement, fait depuis plusieurs années l’objet de violentes campagnes visant à en interdire l’utilisation ou à imposer des processus de certification de l’origine de l’huile en question.
Ces campagnes ont rencontré un tel succès auprès du grand public qu’elles ont poussé la compagnie Nestlé, visée par une vidéo particulièrement virulente, à rompre ses relations commerciales avec son producteur indonésien Sinar Mas. D’autres campagnes ont produit les mêmes effets au point qu’un certain nombre de distributeurs français (Système U, Casino, Carrefour) ont décidé, par exemple, de bannir l’huile de palme de tous les produits alimentaires. L’été dernier, le label « sans huile de palme » faisait son apparition dans les supermarchés.
Ces campagnes ont tellement décrédibilisé cette huile végétale que les pouvoirs publics en panne d’idée pour combler des déficits publics abyssaux n’ont pas hésité à vouloir la taxer au nom de la santé publique. Ils doivent penser qu’une telle taxe sera indolore pour des consommateurs de plus en plus convaincus, à tort, des effets nocifs de l’huile de palme.
Et pourtant, comme souvent dans ces questions de société, les choses sont beaucoup moins simples qu’elles n’en ont l’air. Si l’huile de palme contient bel et bien des graisses saturées (comme les bons fromages français d’ailleurs) et peut donc, si elle est consommée en trop grand quantité, avoir des effets sur la santé, elle a aussi des avantages sanitaires.
En effet, l’huile de palme a cette particularité d’être solide à température ambiante et ne contient donc pas d’acides gras trans, qui sur l’échelle des risques sanitaires seraient plus élevés.
Ensuite, l’huile de palme présente également une bonne stabilité à température élevée ainsi qu’une teneur élevée en antioxydants, carotènes (vitamine A) et vitamine E. Entre autres avantages, ces caractéristiques la rendent idéale pour frire les aliments, prolonger la durée de conservation des produits alimentaires la contenant, et augmenter sensiblement la valeur nutritionnelle et sanitaire des aliments.
Cela signifie en pratique, qu’il faut soupeser les avantages et les inconvénients des diverses huiles, car la pauvreté en graisses saturées, sur laquelle se focalise le rapporteur Dandigny, entraîne une perte de maniabilité, de saveur, de texture et de stabilité. Plus encore et, le consommateur en mal de pouvoir d’achat sera sans doute intéressé de le savoir, toute substitution entraînera une augmentation du coût. Car l’huile de palme, en plus de ne pas être cette substance monstrueuse qu’on voudrait nous faire croire, a cet immense avantage d’être la moins chère.
Selon Oil World, le prix de l’huile de palme brute est inférieur de 10 % à 30 % à ceux de l’huile de soja et de l’huile de colza. Pourquoi ? Parce que la productivité du palmier à huile est particulièrement élevée. Toujours selon le rapport Oil world 2012, le palmier produit une moyenne de 3,72 tonnes d’huile/hectare, à rapporter aux 0,40 tonnes du soja et aux 0,72 tonnes du colza.
En termes d’unité d’intrant par unité d’extrant, il nécessite également beaucoup moins d’engrais, de pesticides ou de carburant par unité produite que le colza et le soja. Enfin, ses principaux producteurs (Asie du sud-est, Amérique du Sud et Afrique) sont aussi ceux qui ont les coûts de production les plus faibles pour les cultures oléagineuses comestibles.
L’idée selon laquelle la taxation de l’huile de palme sera bonne pour la santé et permettra d’un côté de limiter les problèmes de santé et de l’autre de les financer, est en fait loin d’être évidente.
Car l’huile de palme a des vertus par rapport aux autres huiles végétales qui présentent elles aussi – quand elles sont consommées sans modération – des inconvénients. Et il n’est pas sûr que cela pourra se traduire par des rentrées fiscales plus élevées si par un jeu de vases communicants, les consommateurs consomment in fine moins d’huile de palme, s’appauvrissent et paient moins de taxes. Le jeu politique actuel qui consiste à taxer à tout va en fonction des opinions du moment devient dangereux.
Cécile Philippe est directrice générale de l’Institut économique Molinari.