La marque « France », de la séduction à la capture
Texte d’opinion publié le 2 avril 2013 dans Le Figaro.
En cette période de crise économique durable, on ne cesse de parler du Made in France. Il faut dire que les perspectives actuelles sont très mauvaises et que les entreprises multiplient les plans de restructuration et autre fermetures d’usines. La hausse continue depuis plusieurs mois du taux de chômage accentue la peur d’une grande vague de désindustrialisation. Face à cette situation, les pouvoirs publics ont cru qu’il suffirait de vanter le mérite de la compétence française et d’abhorrer une marinière pour calmer les esprits. On est malheureusement loin du compte.
Car comme l’explique l’économiste Robert Higgs, l’incertitude politique joue un rôle dépressif sur le niveau des investissements. C’est ce qui aurait valu aux États-Unis des années 30 « une décennie perdue ». À l’époque, la politique du New deal de Roosevelt avait créé un climat d’incertitude tel que nombre d’entreprises et d’investisseurs sont restés sur la touche. D’autres ont cherché à protéger leur richesse en gardant leurs liquidités ou en investissant à court terme, à faible risque et à faible rendement. D’autres encore ont tout simplement fait le choix de consommer au lieu d’investir.
Or, la situation en France présente aujourd’hui toutes ces caractéristiques d’un niveau d’incertitude à son paroxysme. Indépendamment de propos se voulant rassurants, les signaux sont de plus en plus négatifs. Notamment, nombre de chefs d’entreprise se disent prêts à aller chercher la croissance ailleurs qu’en France plutôt que d’y stagner ou risquer d’y faire faillite.
Force est de constater que l’activité entrepreneuriale, par nature risquée, est encore plus aléatoire lorsque les pouvoirs publics rajoutent de l’instabilité. Il est difficile pour un chef d’entreprise de planifier son activité lorsque le cadre réglementaire change en permanence. L’accumulation de mesures comme la fiscalisation du capital, et en particulier des plus-values de cession, l’encadrement des plans de licenciement ou la création d’usines à gaz pour réduire un coût du travail sont autant de handicaps. Sans compter qu’au nom du principe de précaution, des interdictions ou des mises aux normes coûteuses freinent l’innovation.
Face à un tel mur réglementaire, de plus en plus d’entrepreneurs quittent ou envisagent de quitter le navire. Les exemples se multiplient. Après Gérard Depardieu, c’est Bernard Charlès, directeur d’un fleuron de l’industrie française, Dassault Systèmes, qui parle du handicap à résider en France.
On pourrait penser que cela inciterait les pouvoirs publics à réfléchir à leur façon de gérer la confiance en France. Un espoir vite déçu par le projet du député socialiste du Cher, Yann Galut. En charge d’un groupe de travail à l’Assemblée nationale visant à lutter contre l’exil fiscal qui devrait être examiné en mai, sa ligne directrice est claire : taxer les français qui partent.
Incapable de séduire, de fidéliser et d’inciter les français à participer à « l’effort national de redressement de nos comptes publics », en levant les trop nombreuses incertitudes qui pèsent sur le business en France, les pouvoirs publics actuels s’entêtent. Or, dans leur grande majorité, les français ne quittent pas leur pays par gaité de cœur et pour payer moins d’impôts mais plutôt pour avoir des opportunités de créer plus facilement des richesses ailleurs.
Les pouvoirs publics cèdent aujourd’hui à la tentation facile de vouloir se débarrasser de ces porteurs de mauvaises nouvelles que sont les expatriés. Taxer les « messagers » ne changera pourtant pas le problème de fond : il ne fait pas bon investir en France car l’incertitude y est devenue trop importante.
Et ce qui vaut pour les expatriés vaut aussi pour les citoyens français qui décident de rester. Car si les premiers trouvent des opportunités de se développer ailleurs, d’autres, n’ayant pas cette possibilité, n’ont que le choix de protéger leur richesse ou de la consommer. Au final, tout le monde est perdant, y compris le gouvernement qui cherche partout une croissance nécessaire à ses objectifs de déficit public et d’endettement.
L’impôt devrait cesser d’être l’alpha et l’oméga des politiques publiques car il n’est finalement que la conséquence d’une richesse créée. Sans richesse pas de matière fiscale. L’accroissement du nombre de départs montre que le pouls de l’activité française ralentit. Il est donc grand temps de récréer en France un climat propice au développement économique et social. Le gouvernement devrait en tenir compte s’il veut pouvoir compter sur un réseau d’entreprises dynamiques et rendre au Made in France ses lettres de noblesse.
Cécile Philippe est directrice générale de l’Institut économique Molinari.