Fiscalité : l’idéologie à la manœuvre
Texte d’opinion publié le 1er octobre 2013 dans Le Figaro.
L’urgence est au rééquilibrage des comptes publics. Il était relativement sensé de penser – dans un pays qui détient un record en matière de fiscalité – que la stratégie Hollande serait certes d’augmenter les impôts – une attente de son électorat –, mais qu’elle viserait aussi à tenter de redonner réellement de la place à l’initiative individuelle, seuls garants d’un retour à une croissance durable.
Or, c’est tout l’inverse qui s’est produit avec un acharnement, qui donne certes un semblant de cohérence à la politique Hollande, mais n’en est pas moins de très mauvais augure. En effet, si nombre de mesures visent à engranger des recettes supplémentaires (création d’une nouvelle tranche d’impôt sur le revenus, hausses des taxes pesant sur le tabac et les bières, etc.), d’autres illustrent le refus systématique du gouvernement actuel de libérer les individus de l’emprise de l’État, de les laisser créer, innover, entreprendre.
La mesure la plus révélatrice en la matière est celle qui a consisté à maintenir les prestations familiales universelles tout en diminuant le quotient familial. Cela revient de fait à récupérer une part plus importante des fruits du travail des gens tout en continuant à les subventionner par ailleurs. L’État prend d’une main ce qu’il redonne de l’autre comme si ce passage obligé par la case « État » sanctifiait le revenu obtenu. Or, c’est justement là que le bât blesse. La fiscalité et les subventions – loin de glorifier la création de richesse – suscitent toutes sortes d’effets pervers qu’il est grand temps de considérer avec sérieux.
Plus largement, le matraquage des niches fiscales relève de la même idéologie. En France, les taux de prélèvements réels représentent plus de 55% de ce que distribue l’employeur. Dans ces conditions, il est compréhensible qu’une multitude d’aménagements aient été mis en œuvre pour les employeurs et leurs salariés afin de rendre supportable la pression sociale et fiscale reposant sur le travail. Connus sous le nom de niches fiscales et sociales, ces dispositions légales permettent de distribuer des compléments de rémunération ou des avantages en franchise de charges et d’impôts. Elles peuvent prendre des formes très diverses : mise à disposition d’avantages en nature, co-financement de la couverture sociale complémentaire, etc.
Toutes ces niches fiscales et sociales ne sont pas la marque d’une volonté de frauder le système, mais des moyens octroyés au fil du temps par les pouvoirs publics pour rendre la pression fiscale et sociale plus supportable.
Or, le gouvernement actuel a pris l’habitude de stigmatiser ces niches, en les présentant comme des anomalies à résorber ou raboter. Il s’agirait de dépenses fiscales et sociales qui amputeraient les comptes publics. Or, ces dépenses n’ont de dépenses que le nom. Il s’agit en effet de dispositions légales prévoyant que certains revenus – gagnés honnêtement – seront moins fiscalisés ou socialisés que d’autres, voire ne seront pas taxés. Stigmatiser ces revenus relève de la même philosophie qui consiste à prendre plutôt qu’à redonner de la marge de manœuvre aux individus.
Que dire de la réforme des retraites si ce n’est que le problème est le même. La principale mesure vise à fiscaliser une nouvelle fois le travail (par une augmentation des charges salariales et des charges patronales). Or, cette fiscalité menace justement le financement de la protection sociale par le chômage qu’elle crée.
Là encore, le gouvernement préfère favoriser les choix publics face à la possibilité de donner un ballon d’oxygène aux choix privés. Favoriser ces derniers aurait notamment consisté à augmenter la durée de cotisation pour bénéficier de ce qu’on appelle « une retraite à taux plein ». Cela aurait laissé le choix aux gens de travailler plus longtemps ou de toucher une retraite par répartition moindre. L’idéal aurait été de compléter ce type de mesures par des possibilités de constituer plus facilement une épargne complémentaire pour compenser la baisse des retraites par répartition.
Cette tendance est probablement plus grave que ce que disent certains chiffres sur la pression fiscale en France. En effet, ils montrent une stigmatisation à l’égard des choix personnels, de l’effort et de l’initiative quand justement la situation exige de toute urgence qu’on redonne aux individus l’envie de rester en France, d’entreprendre, de créer. Le ras-le-bol fiscal est sans doute à comprendre dans ce sens et le gouvernement serait bien inspiré d’entamer une réflexion sur la légitimité d’une telle politique.
Cécile Philippe est directrice générale de l’Institut économique Molinari.