Radio : Libérons les labels!
Chronique de Cécile Philippe, directrice de l’Institut économique Molinari, diffusée sur les ondes de Radio classique le 21 janvier 2014.
Chaque matin, dans «Des Idées Neuves», des professeurs, des directeurs de think tanks, des journalistes agitent, interrogent et bousculent notre système. Leurs projets de réformes inédites et iconoclastes pourraient inciter nos entreprises et nos institutions à imaginer un nouveau modèle économique.
Retrouvez Cécile Philippe, directrice de l’Institut économique Molinari, sur les ondes de Radio classique.
Libérons les labels de la mainmise de l’État; les labels sont donc bridés ?
Effectivement, en France, le mot même de « label » est public. L’ensemble des labels officiels est géré par l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO), un établissement public sous la tutelle du Ministère de l’Agriculture, ce qui lui garantit un monopole de fait sur la certification.
Par exemple, en 2003, l’appellation « Saveurs de l’année » – un palmarès crée par l’entreprise Monadia et décerné annuellement à plus de cent types de produits sur la base uniquement d’évaluations à l’aveugle de consommateurs – a été condamnée par le Tribunal de grande instance de Versailles pour avoir utilisé le mot « label » à des fins publicitaires.
En quoi cela pose-t-il problème ?
L’absence de labels privés est problématique pour plusieurs raisons. La première, c’est qu’elle crée un faux sentiment de sécurité chez les consommateurs. La seconde et c’est lié, c’est qu’elle met toute la responsabilité du maintien de la qualité des labels et de la lutte contre la fraude dans les mains des pouvoirs publics.
Or, il faut des moyens colossaux pour prévenir et lutter efficacement contre la fraude, moyens que les pouvoirs publics n’ont pas et c’est n’est pas l’ajout d’une étiquette en plus sur les emballages qui réglera la question.
En présence d’un monopole en la matière, une évaluation privée a plus de difficultés à émerger du fait des nombreux obstacles légaux et de leurs prix nécessairement onéreux. Il n’est tout simplement pas évident de concurrencer les labels publics officiels gérés par l’INAO, qui de fait sont entièrement subventionnés et garantis par les autorités publiques.
On a pourtant plutôt l’impression que c’est le manque de réglementation qui est à l’origine de tous ces scandales ?
C’est effectivement ce qu’on a tendance à croire, sauf que le secteur agroalimentaire est probablement l’un des plus réglementés et l’un des plus contrôlés aux niveaux national et européen.
Les contrôles de la qualité des produits que nous mangeons en France sont déjà soumis à une myriade de normes et réglementations. Au niveau mondial, la sécurité alimentaire passe par le Codex Alimentarius coordonné par la FAO et l’OMS.
Au niveau européen, il existe plusieurs directives et en France la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) crée en 1985, ou encore la Direction générale de l’alimentation (DGAL), crée en 1987 sont déjà en charge de contrôler ce secteur.
Et des labels privés pourraient améliorer les choses sans embrouiller les consommateurs ?
Exactement. En l’absence de contrôle ou d’institution infaillible pour empêcher la fraude, il faudrait pour sortir du cercle vicieux (scandale entraîne réglementation = moins de vigilance = nouveau scandale) encourager les clients qui s’estiment trompés à porter plainte, encourager la vigilance des consommateurs et la concurrence entre les labels de qualité. Cela permettrait l’émergence d’un marché dynamique de la certification avec des entreprises qui pourraient justement se spécialiser dans le contrôle de qualité et l’examen des labels dont la réputation serait jaugée à l’aune des scandales évités.
Merci à Marian Eabrasu dont les articles ont inspiré cette chronique. Retrouvez les sur 24hGold.fr («Le contrôle des produits alimentaires», 29/05/13, et «Les labels : une affaire publique», 24/07/13).
Cécile Philippe est directrice générale de l’Institut économique Molinari.