Radio : Mettre en place une règle constitutionnelle plafonnant les déficits
Chronique de Cécile Philippe, directrice de l’Institut économique Molinari, diffusée sur les ondes de Radio classique le 25 mars 2014.
Chaque matin, dans «Des Idées Neuves», des professeurs, des directeurs de think tanks, des journalistes agitent, interrogent et bousculent notre système. Leurs projets de réformes inédites et iconoclastes pourraient inciter nos entreprises et nos institutions à imaginer un nouveau modèle économique.
Retrouvez Cécile Philippe, directrice de l’Institut économique Molinari, sur les ondes de Radio classique.
Mettre en place une règle constitutionnelle plafonnant les déficits; de quoi s’agirait-il ?
D’une règle budgétaire permettant une meilleure maîtrise des finances publiques, en plafonnant les déficits. En quelque sorte une règle d’or améliorée par rapport à ce que proposait Nicolas Sarkozy en 2011. Cette règle, approuvée et modifiée par référendum, serait inscrite dans la Constitution.
Pourquoi faire un référendum ?
Vous vous souvenez peut-être des critiques de l’opposition, devenue depuis majorité. Les dirigeants socialistes pensaient que la règle d’or serait violée et serait donc contournée. Michel Sapin, alors secrétaire national à l’économie, expliquait ainsi : « La nécessaire réduction du déficit est une affaire de volonté. »
Selon moi il n’avait pas totalement tort. Il faut que la règle de limitation des dépenses émerge de la volonté du peuple pour qu’elle s’impose aux gouvernants.
À vous entendre, nos gouvernants seraient incapables de limiter d’eux-mêmes les déficits ?
L’expérience montre que les pouvoirs publics sont incapables d’équilibrer les comptes depuis des décennies. Il y a une raison à cela. Comme l’explique l’école des choix publics, l’augmentation des dépenses découle de la dynamique démocratique. Les politiques achètent des votes grâce aux dépenses publiques. Ce n’est un secret pour personne.
Cette réalité balaie tout sur son passage et la plupart des règles censées préserver l’équilibre budgétaire ont été contournées. Malgré sa règle d’or, l’Allemagne a vu le triplement de sa dette publique depuis les années 1970. Même la Nouvelle-Zélande, qui a connu 17 années d’excédent budgétaire, souffre aujourd’hui d’un déficit et d’une dette publics en augmentation.
L’expérience universelle montre que l’inclination naturelle des gouvernements est de dépenser toujours plus.
Il faudrait donc des mécanismes institutionnels soutenus par le peuple pour contrecarrer cette tendance ?
Exactement. D’où l’intérêt de combiner constitution et référendum. C’est ce que montre d’ailleurs l’expérience concluante de l’État du Colorado. Dans cet État, l’augmentation des dépenses publiques est limité à due proportion de l’évolution de l’inflation et de la population. Au-delà, toute proposition d’accroissement des dépenses est soumise automatiquement à un référendum.
Cette règle a limité l’accroissement des dépenses du Colorado entre 1992 et 2006 en dessous du taux de croissance de son PIB permettant ainsi un surcroît de revenus pour les ménages. Consulter les contribuables permet de savoir s’ils veulent vraiment payer pour de nouvelles dépenses.
Faut-il encore que les contribuables soient d’accord pour une baisse des dépenses ?
Oui, tout reposera in fine sur les contribuables. Mais si l’on se fie aux enquêtes d’opinion récentes, on peut penser que cette règle aurait leur soutien.
Selon un sondage BVA-Challenges-BFM Business, 71% des Français considèrent que les efforts d’économies du gouvernement ne sont « pas assez importants ». Il semblerait donc qu’ils soient prêts pour mettre en place une telle règle qui intégrée dans la Constitution pourrait mettre fin à la banalité et à la permanence des déficits.
Merci à Frédéric Sautet qui a inspiré cette chronique. Voir son article, «Les limites d’un plafond constitutionnel aux déficits», La Tribune, 17/02/11.
Cécile Philippe est directrice générale de l’Institut économique Molinari.