Crimes, prostitution et argent sale : et si la France les incluait dans le calcul du PIB ?
Article de Marie-Pierre Haddad publié le 23 mai 2014 sur RTL.fr.
DÉCRYPTAGE – Les trafics de drogues, d’armes et la prostitution pourraient rentrer dans le calcul du PIB de l’Italie, dont l’économie souterraine est estimée à 10,9% du PIB, tout comme en France.
Et si, pour augmenter notre PIB, on prenait en compte les revenus générés par le trafic de drogue et la prostitution ? L’idée a fait son chemin en Italie puisque l’an prochain, l’économie souterraine sera incluse dans le calcul de son produit intérieur brut (PIB).
Une proposition soutenue par le Parlement européen
Selon les prévisions d’Eurostat, l’organisme européen en charge des statistiques de l’Union européenne, ce rajout pourrait bien faire bondir le PIB italien. Ce dernier augmenterait ainsi de 2,4%, soit un point de plus que les prévisions. Le jeu peut en avoir la chandelle. En 2012, la Banque d’Italie a évalué la valeur de l’économie informelle à 10,9% du PIB.
Cette mesure ne sera pas spécifique à l’Italie. Le Parlement européen a demandé, en février dernier, aux États membres de chiffrer les revenus provenant de leur économie souterraine, dans le PIB, et cela dès 2014. La raison mise en avant par l’institution européenne est le souci d’équité.
À titre d’exemple, la vente de cannabis, légale aux Pays-Bas, dope le PIB du pays, par rapport à un autre où ce commerce reste hors-la-loi.
Une économie souterraine qui représente 10,8% du PIB en France
Selon une étude publiée en mai 2013 par l’Institut économique Molinari, l’économie souterraine en Europe représenterait 19,3% du PIB cumulé. En France, la prostitution, le trafic de drogue et autres sont évalués à 10,8% du PIB, soit 219,2 milliards d’euros.
«En France, une cigarette fumée sur cinq provient du marché noir», explique Cécile Philippe, directrice de l’Institut. En ce qui concerne la vente d’alcool sur le marché, elle ne représente que 3% des ventes globales, car «l’alcool est peu fiscalisé en France, contrairement à d’autres pays comme la Suède où cela représente 54% du marché», ajoute-t-elle.
Mais la prise en compte de l’économie souterraine dans le calcul du PIB français ne semble pas être d’actualité. L’Insee, joint par Challenges, est catégorique : «Nous n’incorporons pas les activités illégales dans ces estimations, dans la mesure où les circonstances dans lesquelles s’effectuent ces activités (dépendance des consommateurs de stupéfiants, esclavage sexuel dans certains cas) ne permettent pas de considérer que les parties prenantes s’engagent toujours librement dans ces transactions.»
Une évaluation approximative
Les sommes générées par l’économie parallèle des cinq premières puissances européennes (l’Allemagne, la France, l’Italie, l’Espagne et le Royaume-Uni), comptent pour les deux tiers du total européen, détaille l’étude. Si l’économie informelle «venait à disparaître […], cela pourrait même paradoxalement pénaliser l’économie dite ‘officielle’. La seule solution pérenne consiste à ‘libérer’ le marché légal», analysent les auteurs du rapport.
Plusieurs méthodes ont été utilisées afin de chiffrer cette économie. La consommation d’électricité, les montants d’argent liquide utilisés dans l’économie, les résultats d’audits et les redressements fiscaux.