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Pourquoi les dépenses publiques sont-elles plus élevées dans certains pays?

Texte d’opinion de Patrick Coquart publié le 24 septembre 2014 sur 24hGold.

En voilà une question qui est bonne! Et c’est France Stratégie qui se la pose, c’est dire si c’est du sérieux.

France Stratégie est le dernier avatar du Commissariat général au Plan (CGP), vous savez le « machin » créé en 1946 par le général de Gaulle, avec Jean Monnet à sa tête, pour planifier l’économie française. En 2006, le CGP est transformé en Centre d’analyse stratégique (CAS), puis, en 2013, en Commissariat général à la stratégie et à la prospective (CGSP), plus couramment appelé France Stratégie.

Voilà donc que le nouveau « machin » s’intéresse aux dépenses publiques élevées. Plus précisément, il a mené une étude, à partir des dépenses publiques réparties par grands postes, cherchant « à identifier, à l’aide de comparaisons internationales, les postes pour lesquels les dépenses sont plus élevées [en France] que dans les autres pays pour un niveau de performance équivalent ou supérieur – dans ce cadre, la performance est appréciée par des indicateurs de résultats. »

L’étude rappelle d’abord que les administrations publiques françaises – État, collectivités territoriales et administrations de sécurité sociale – dépensent chaque année l’équivalent de 54 % du PIB (hors intérêts de la dette). La France se trouve ainsi classée au troisième rang des pays européens les plus dépensiers, derrière le Danemark et la Finlande. La Suède, longtemps paradis rêvé des socialistes français, est en cinquième position. L’Allemagne est à 42 % du PIB (12 points de moins) et en 18ème position. La moyenne de la zone euro est à 47 % du PIB (7 points de moins). Comme le disent Céline Mareuge et Catherine Merckling, rédactrices de l’étude, « dans un contexte d’ajustement budgétaire, ces écarts sont considérés comme une source potentielle d’économies. »

L’étude de France Stratégie compare les trois principaux postes de dépenses publiques en France et dans trois autres pays :

protection sociale : 24,4 % du PIB en France ; 21,4 % en Suède ; 19,4 % en Allemagne ; 17,9 % au Royaume-Uni ; 20,6 % en moyenne dans la zone euro ;

santé : 8,3 % du PIB en France ; 7,1 % en Suède ; 7 % en Allemagne ; 7,9 % au Royaume-Uni ; 7,4 % dans la zone euro ;

enseignement : 6,1 % du PIB en France ; 6,8 % en Suède ; 4,3 % en Allemagne ; 6 % au Royaume-Uni ; 5 % dans la zone euro.

Pour chacun de ces trois postes, les dépenses publiques françaises sont au-dessus de la moyenne de la zone euro, et au-dessus de celles des trois pays choisis. Il n’y a que pour l’enseignement que la Suède dépense, en pourcentage, davantage que la France.

Ces écarts de dépenses peuvent être attribués, selon les auteurs, à plusieurs types de facteurs : des différences objectives de situation (comme les facteurs démographiques), des préférences collectives (niveau de protection ou de transferts, par exemple), des différences dans l’efficience de la dépense. C’est sur ce dernier point que l’étude de France Stratégie se concentre.

En matière de protection sociale, la France dépense largement plus que la zone euro pour la vieillesse (13,8 % du PIB et 56 % du budget de la protection sociale). Pour mesurer la performance de ces dépenses, les auteurs de l’étude ont choisi des indicateurs en rapport avec les « trois objectifs affichés de la politique de retraite : assurer aux retraités un revenu de remplacement en rapport avec les revenus perçus durant leurs dernières périodes d’activité, réduire la pauvreté parmi les plus de 65 ans et limiter les inégalités ».

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Au final, la France est, parmi les grands pays, celui qui a le plus mauvais rapport dépenses-efficience. « À performances égales, la Suède a par exemple des dépenses relatives en vieillesse très inférieures à celles de la France. » Les Pays-Bas, avec des dépenses relatives moitié moins élevées ont un taux d’efficience supérieur au nôtre.

Pour l’enseignement, la situation n’est pas meilleure. L’étude met l’accent sur l’enseignement secondaire et retient comme indicateurs le taux de décrochage scolaire, les taux d’élèves diplômés du secondaire et les scores Pisa.

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L’on remarque que l’Allemagne réalise un très bon score. Mais les performances de la Suède, du Royaume-Uni, des Pays-Bas, de l’Irlande, du Danemark sont également supérieures à celles de la France.

Enfin, en ce qui concerne la santé, les auteurs ont choisi l’Euro Health Consumer Index comme indicateur.

Là encore, le système de santé français apparaît « coûteux, performant mais peu efficient ».

Sur chacun des trois postes de dépenses choisis, la Suède a de meilleurs résultats en termes d’efficience.

En janvier 2013, Philippe Aghion, professeur d’économie à Harvard, signait une tribune dans Le Monde, avec Bénédicte Berner, une de ses collègues. Pour les auteurs, la France de 2013 fait penser à la Suède des années 1990. « À cette époque, écrivent-ils, la Suède se caractérise par une dette publique élevée (proche de 85 % du PIB), un chômage élevé, une production en stagnation et une grogne de la part des artistes (on se souvient des réactions d’Ingmar Bergman et d’Astrid Lindgren contre le système fiscal) et des entrepreneurs (notamment avec l’exil d’Ingvar Kamprad, fondateur d’Ikea). En réaction à la crise des années 1990-1991, les Suédois agissent sur deux fronts. Le premier est celui de la fiscalité : la réforme de 1991 donne naissance à un nouveau système fiscal plus simple et plus incitatif qu’auparavant. Le second est celui de la dépense publique : la Suède s’engage dans une réforme radicale de l’État pour améliorer l’efficacité de ses interventions. Ces deux piliers sont en effet reliés, car, en l’absence d’un plan crédible de réduction des dépenses publiques, il ne peut y avoir de baisse crédible de la charge fiscale dans le moyen terme, et donc de changement de comportement de la part des investisseurs. Résultat : la Suède est devenue l’un des pays développés les plus performants, avec un taux de croissance annuel de plus de 3 % en moyenne sur les trois dernières années, et des finances publiques rééquilibrées. »

Plus loin, Aghion et Berner précisent que « les effectifs dans le secteur public [suédois] sont ainsi passés de 1,7 million employés dans les années 1990 à environ 1,3 million aujourd’hui, tandis que l’emploi dans le secteur privé est passé de 2,8 millions à 3,25 millions. Dans le même temps, les dépenses d’assurance-maladie n’ont augmenté que d’un point de PIB entre 1990 et 2011, alors qu’en France elles ont augmenté de près de quatre points. La Suède a réussi à maîtriser la hausse du coût de la santé notamment en décentralisant le système de soins. Enfin, la mise en place d’un mécanisme par points en 1994 a permis à la Suède de garantir l’équilibre de son système de retraites depuis lors. »

CQFD !

Patrick Coquart est associé dans un cabinet de conseil en management.


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