La parole à… Cécile Philippe, directrice générale de l’IEM
Interview publiée le 28 janvier 2015 dans 106 Hebdo n°7, la newsletter des cliniques et hôpitaux privés.
La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015 est entrée en vigueur le 1er janvier. Que pensez-vous de ce texte?
Le PLFSS 2015 a été une occasion manquée d’ouvrir le débat sur les vraies réformes à mener en santé. Car contrairement à une idée peut-être trop répandue, notre système de santé ne souffre pas d’un secteur privé défectueux mais plutôt d’un manque de concurrence. Je dirais même que si les performances de notre système restent bonnes, c’est justement parce que nous pouvons encore nous appuyer sur une offre de santé diversifiée. Or, face aux déficits et à l’accumulation de dettes au sein de ce système, la réponse des pouvoirs publics a été de renforcer sans cesse le rôle du monopole public en santé. Sauf à repenser l’organisation du modèle social français, on n’arrivera pas à faire de réelles économies. Pire, on risque de mettre en place un rationnement par les files d’attente comme on peut le constater au Canada ou au Royaume-Uni.
Vous prônez un rétablissement de la concurrence entre secteur public et privé, pourquoi?
Parler de concurrence en santé peut paraître incongru, mais c’est sans doute la meilleure façon de faire des économies sans supprimer les marges de choix des individus et la qualité. L’échec des politiques de maîtrise comptable des coûts menées en France vient de ce que les pouvoirs publics sont otages du système qu’ils ont établi. Ils sont incapables de savoir si une prestation est payée au juste prix ou pas. Ils s’appuient sur des prix administrés qui ne correspondent pas à la confrontation d’une demande et d’une offre. Les régulateurs sont alors condamnés à agir en aveugle, au gré des modes et des lobbys.
Quelles sont d’après vous les vraies réformes à mener en santé?
Une étape serait franchie si on supprimait tout simplement les différences de coût social et fiscal existant entre les hôpitaux publics et les établissements privés. Bien sûr, cela ne serait pas suffisant car au final la question est de revenir sur 20 ans de maîtrise comptable des coûts. Il faudrait avoir le courage de s’inspirer de l’expérience des Pays-Bas qui en 2006 ont accepté de remettre en question le monopole de l’assurance en santé. L’idée n’est sans doute plus aussi taboue en France puisque Jean Tirole, le prix Nobel d’économie 2014, dans un papier pour le Conseil d’analyse économique et social, parle de la possibilité « d’une concurrence régulée entre caisses d’assurance ».
Cécile Philippe est directrice générale de l’Institut économique Molinari et auteure de «Trop tard pour la France? Osons remettre l’Etat à sa place» (Les Belles Lettres, 2014)