Poste belge : respecter la concurrence
Article publié par le journal La Libre Belgique le 2 juin 2008.
Le président de La Poste belge a récemment émis des doutes sur le processus de libéralisation actuellement à l’oeuvre en Europe. Il craint que ses futurs concurrents remplacent pour certaines tâches les facteurs par des travailleurs indépendants, ajoutant que « ce serait fausser la concurrence ». Ces déclarations se fondent sur une vision erronée du processus de concurrence.
Le président de La Poste belge a récemment émis des doutes sur le processus de libéralisation actuellement à l’oeuvre en Europe. Il craint que ses futurs concurrents remplacent pour certaines tâches les facteurs par des travailleurs indépendants, ajoutant que « ce serait fausser la concurrence ». Ces déclarations se fondent sur une vision erronée du processus de concurrence. C’est au contraire l’imposition de normes sociales spécifiques au seul secteur postal qui menacerait l’ouverture du marché en Belgique ainsi que les bénéfices que les consommateurs peuvent en attendre.
L’ouverture des marchés postaux européens doit advenir avant 2011. De nouvelles entreprises seront alors libres d’offrir des services de qualité supérieure à des prix plus faibles. Les consommateurs – entreprises comme particuliers – seront les grands gagnants de ce processus qui pourrait bien redynamiser un marché aujourd’hui en perte de vitesse. Néanmoins, pour que de nouvelles entreprises puissent entrer sur le marché postal, il est nécessaire d’y supprimer l’ensemble des barrières à l’entrée.
À cet égard, certaines législations sociales qui font augmenter le coût du travail peuvent entraver la concurrence. Cet élément est crucial, car les coûts salariaux peuvent représenter jusqu’à 80 pc de l’ensemble des coûts de production du service des opérateurs postaux en Europe. Si les consommateurs belges veulent préserver les bénéfices que l’ouverture du marché peut leur apporter, ils doivent être particulièrement vigilants face à l’instauration éventuelle de dispositions sociales propres à ce seul secteur comme le souhaite le président de La Poste belge.
L’interdiction du recours à des travailleurs indépendants serait indiscutablement une barrière à l’entrée. Un tel recours permet en effet de faire baisser le coût du travail, pouvant ainsi favoriser l’entrée de concurrents potentiels. L’exemple de La Poste française est intéressant à cet égard. Le marché postal n’est pas encore libéralisé pour les plis de moins de 50 grammes, mais le recours à des « points relais » indépendants a permis d’améliorer fortement la rentabilité opérationnelle de l’entreprise en milieu rural. 1500 d’entre eux ont été installés dans des bars-tabac ou chez des commerçants. La hausse de la rentabilité de La Poste qui en a résulté nous montre qu’un tel mécanisme permet de contenir les coûts salariaux.
La qualité du service s’est quant à elle améliorée : les délais de livraison ont été significativement réduits. Le taux de livraison à J + 1 pour les lettres prioritaires est par exemple passé de 65,7 pc en 2003 à 82,5 pc en 2007. La Poste belge s’est également lancée dans une telle stratégie en installant 350 « points poste », dont plus de 50 pc chez des commerçants. Il est donc paradoxal de voir que son président s’oppose aujourd’hui aux formes d’emplois que son entreprise utilise déjà et que ses futurs concurrents pourraient utiliser pour faire baisser le coût du travail. Dans une situation de concurrence, tout procédé permettant de diminuer le coût du travail favoriserait l’arrivée de nouveaux entrants potentiels. À l’inverse, les menaces qui pèsent sur la concurrence du fait de législations sociales qui augmentent le coût du travail sont bien réelles.
Le cas de l’Allemagne est là pour l’illustrer. Dans ce pays, Deutsche Post devait perdre le 1er janvier 2008 son monopole pour les plis de moins de 50 grammes. Plusieurs entreprises avaient alors prévu d’entrer sur ce marché pour proposer des services moins chers que ceux de Deutsche Post. C’est par exemple le cas du néerlandais TNT ou de l’allemand Pin Group. Mais l’instauration en décembre 2007 d’un salaire minimum dans le secteur postal allemand a changé la donne. Celui-ci est bien supérieur aux salaires qui étaient jusqu’alors pratiqués par des entreprises comme Pin Group. Avec un tel niveau de salaire, la rentabilité des concurrents potentiels de Deutsche Post s’est avérée fortement compromise. Ne pouvant pas être compétitif dans un tel contexte législatif, Pin Group a déjà supprimé, en avril dernier, plus de la moitié de ses effectifs, soit 5760 emplois.
Les consommateurs allemands sont les grands perdants de l’instauration d’une telle mesure sociale. Ils ne pourront pas bénéficier des nombreux services qui leur auraient été offerts par les nouveaux entrants, qu’il s’agisse de Pin Group ou d’autres opérateurs venant des Pays-Bas comme TNT. Si le gouvernement belge souhaite préserver les bénéfices de l’ouverture du marché postal à la concurrence, il doit refuser l’instauration de législations sociales spécifiques à ce seul secteur, à l’image du salaire postal minimum ou de l’interdiction du recours aux indépendants. Il est primordial de comprendre qu’il s’agit d’un protectionnisme masqué qui favorise les anciens monopoles, nuit à la concurrence et menace in fine les bénéfices potentiels pour les consommateurs de l’ouverture du marché postal.
Guillaume Vuillemey, chercheur, Institut économique Molinari