Une incohérence de plus
Article publié par La Libre Belgique le 29 janvier 2008.
Lors de sa conférence de presse du début janvier, Nicolas Sarkozy a souhaité la création d’une nouvelle chaîne publique baptisée « France Monde ». De telles annonces soulèvent la question du financement des chaînes publiques de télévision et de la pertinence de leur modèle économique.
Lors de sa conférence de presse du début janvier, Nicolas Sarkozy a souhaité « que l’on réfléchisse à la suppression totale de la publicité sur les chaînes publiques ». En outre, le président français a souhaité la création d’une nouvelle chaîne publique, baptisée « France Monde », diffusant dans le monde un contenu exclusivement en français. De telles annonces soulèvent la question du financement des chaînes publiques de télévision et de la pertinence de leur modèle économique. Car en effet, si le mode de financement actuel de l’audiovisuel public français présente certaines incohérences, la solution avancée par le chef de l’État en apporte de nouvelles.
Les chaînes de télévision publiques disposent aujourd’hui de deux sources majeures de financement en France : la redevance audiovisuelle et les recettes publicitaires. La première d’entre elles souffre d’incohérences majeures et c’est paradoxalement la seconde qui va être supprimée. D’un montant de 116€, la redevance est acquittée par les foyers fiscaux disposant d’une ou de plusieurs télévisions. Elle permet de couvrir environ 64 pc des recettes du groupe France Télévisions, qui gère l’ensemble des chaînes publiques françaises, à l’exception d’Arte. Bien que basée sur la possession d’une télévision, la redevance ne finance pas uniquement le secteur télévisuel : Radio France, RFO, RFI ou l’Institut national de l’audiovisuel (INA) bénéficient également de son produit. Nous sommes face à une première incohérence. Une part du budget des radios publiques provient d’une taxe conditionnée à la possession d’une télévision. Ainsi, vous êtes obligé de financer des émissions de radio même si vous ne les appréciez guère ou ne les écoutez jamais.
Le mode de financement des télévisions publiques présente également de telles incohérences. Ainsi, une personne qui ne regarde que des chaînes privées (dont le choix est aujourd’hui extrêmement large, avec le câble et le satellite) finance les émissions des chaînes publiques qu’elle ne regarde pas. Un tel modèle économique pour les médias publics ne permet pas une réelle transparence dans la gestion de l’argent des contribuables. En effet, chacun finance des services dont il peut ne tirer aucun bénéfice.
Toute transparence véritable supposerait que chacun finance les chaînes et les émissions qui présentent une valeur à ses yeux. À l’évidence, le financement de l’audiovisuel public par la redevance ne permet pas d’atteindre un tel degré de transparence. Au contraire, nous sommes en présence d’une forme de financement déconnectée des désirs et des satisfactions des téléspectateurs. Les revenus publicitaires présentent au contraire l’avantage de la transparence. Chacun est libre de les regarder ou non. Ils proviennent, dans leur grande majorité, d’entreprises privées. Un tel mode de financement de France Télévisions est indolore pour le téléspectateur-contribuable.
Paradoxalement, c’est donc le financement le plus transparent que Nicolas Sarkozy entend supprimer. Le président français a souhaité que la fin des revenus publicitaires soit compensée par « une taxe sur les recettes publicitaires accrues des chaînes privées, et par une taxe infinitésimale sur le chiffre d’affaires de nouveaux moyens de communication, comme l’accès à l’Internet ou la téléphonie mobile ». Cette nouvelle taxe – une de plus – déconnecte encore davantage le financement de la télévision publique des préférences des téléspectateurs. Ainsi, l’offre d’un service de télévision publique sera partiellement rendue possible par une taxe sur les utilisateurs de services radicalement différents, à savoir, par exemple, la téléphonie mobile.
Mais en quoi l’achat d’un téléphone mobile ou l’accès à Internet peuvent-ils justifier le paiement d’une taxe pour financer les chaînes publiques de télévision ? Le problème fondamental de ce mode de financement des chaînes publiques est la séparation complète qu’il instaure entre le bénéficiaire d’un service et celui qui le finance. Le financement de France Monde présentera de telles incohérences. Alors que la chaîne sera majoritairement regardée à l’étranger, elle sera financée par les contribuables français assujettis à la redevance.
Ainsi, la redevance télévisuelle ne permet pas une réelle transparence dans la gestion de l’argent public, dans la mesure où elle induit un vaste système de redistribution où de nombreux téléspectateurs financent des chaînes (de télévision ou de radio) qu’ils ne regardent pas nécessairement. La nouvelle taxe et la suppression de la publicité proposées par Nicolas Sarkozy ne feront qu’amplifier les incohérences d’un financement de la télévision publique déjà grandement contestable.
Guillaume Vuillemey, chercheur associé, Institut économique Molinari