Au secours, Keynes est de retour… !
Texte d’opinion publié le 7 juillet 2016 dans L’Opinion.
Depuis le début de l’année 2016 avec le retour des turbulences sur les marchés et l’incertitude sur la croissance mondiale, les appels du pied pour des politiques fiscales expansives se multiplient. C’est l’OCDE qui a donné le ton en Février lors de la publication de ses perspectives économiques intermédiaires. Selon l’OCDE, « la politique monétaire s’est révélée insuffisante pour stimuler la demande et engendrer une croissance satisfaisante…. des mesures de politique budgétaire plus énergiques, conjuguées à une relance des réformes structurelles, s’imposent pour soutenir la croissance… Dans la mesure où les administrations publiques de nombreux pays peuvent aujourd’hui emprunter à long terme à des taux d’intérêt très bas, il est possible de mener des politiques budgétaires expansionnistes destinées à renforcer la demande, tout en préservant la viabilité des finances publiques ». L’Allemagne est particulièrement montrée du doigt puisque c’est l’un des rares pays au sein de l’Union monétaire à avoir rétabli l’équilibre de ses finances publiques malgré la crise.
Voilà un bel aveu d’impuissance! Après des milliers de milliards de liquidités injectées, la croissance n’est toujours pas au rendez-vous. Il serait donc urgent que la politique budgétaire revienne sur le devant de la scène surtout qu’elle peut le faire à moindre frais, les taux d’intérêt étant durablement installés autour de 0. C’est une opportunité unique offerte aux États, plus besoin de sentir coupable d’accumuler des déficits et de compromettre le bien-être des générations futures, les taux d’intérêt 0, voire négatifs dans certains cas, plaident en faveur de la dépense publique sans douleur. Un véritable pousse-au-crime quand on connaît la propension naturelle des gouvernements européens – la France en tête – à augmenter les dépenses publiques.
Pourquoi plus de dépenses publiques n’est pas la bonne réponse
La stagnation observée n’est pas le résultat d’une insuffisance de la demande. La preuve en est qu’en dépit de taux d’intérêts historiquement bas, voire négatifs, la reprise du crédit dans le secteur privé est lente. Le problème – aggravé par une politique monétaire qui a perdu le sens de la mesure – est ailleurs. Il est dans l’absence de perspectives de profit dans le secteur privé, brimé par le poids des règles et réglementations, qu’elles concernent l’activité elle-même ou bien le marché du travail. Évidemment, il n’est pas heureux d’appeler austérité budgétaire les politiques qui ont comme objectif de libérer l’activité privée et de contenir la dépense publique.
Faire le choix d’augmenter encore les dépenses publiques est problématique car le choix des dépenses est arbitraire et n’a pas l’objectif de répondre à la maximisation du profit. Au-delà des problèmes de corruption et de connivence, le fait est qu’une administration ne peut pas identifier l’utilisation optimale des ressources en l’absence de prix, de profits ou de pertes. Leur existence est un indicateur clef pour déterminer si le projet mené est viable. C’est ainsi qu’une entreprise sait si ses choix sont bons ou pas. Si les pertes persistent, l’entreprise devra forcément réviser son projet initial afin qu’il puisse trouver son marché. De tels mécanismes sont absents dans l’affectation des dépenses publiques et il est impossible pour l’administration de se mettre dans des conditions de marché pour éprouver son processus décisionnel.
La question de l’efficacité de la dépense publique n’est pas censée concerner toutes les dépenses publiques comme celle de la défense ou de la sécurité des individus. Mais l’idée défendue par les avocats de la dépense publique n’est évidemment pas de cantonner son augmentation aux domaines dits régaliens. Fidèle à Keynes, l’idée de nouveau à la mode ces derniers temps est qu’il suffirait de dépenser pour que la magie opère !
Quand la confusion conduit à l’erreur…
Les vieux démons reviennent parce que la confusion règne. Il est vrai que la situation économique actuelle est sans précédent dans l’histoire. Les banques centrales n’ont jamais injecté autant de liquidités, l’inflation visible n’a jamais été aussi faible, le contexte économique est toujours au ralenti et la menace gronde du côté de la Chine. Les autorités en charge semblent désorientées. Les messages sont brouillés. Le débat sur les dépenses publiques n’est jamais clairement posé et il reste ainsi difficile de défendre l’idée que la réduction des dépenses est pourtant porteuse d’espoir… !
Nathalie Janson est économiste, professeur associé Neoma Business School et chercheure à l’Institut économique Molinari.