Crise financière : les coupables sont-ils ceux que l’ont croit ?
Nous sommes heureux d’accueillir Guillaume Vuillemey en qualité de chercheur associé à l’IEM. Nous vous proposons la lecture d’un de ses articles récents publié dans Le Figaro du 27 août 2007.
Depuis plusieurs jours, les marchés financiers sont saisis d’une peur que les différentes banques centrales peinent à apaiser. Tous les indices se sont repliés suite à l’annonce de la mise en faillite de nombreuses sociétés de crédit immobilier aux États-Unis, dont l’American Home Mortgage.
Depuis plusieurs jours, les marchés financiers sont saisis d’une peur que les différentes banques centrales peinent à apaiser. Tous les indices se sont repliés suite à l’annonce de la mise en faillite de nombreuses sociétés de crédit immobilier aux États-Unis, dont l’American Home Mortgage.
Les banques centrales européenne et américaine viennent d’ailleurs d’injecter des centaines de milliards d’euros dans les circuits bancaires afin d’éviter que des banques soient en situation de cessation de paiement.
Aux États-Unis, les créances immobilières sont des produits cotés sur les marchés financiers et intégrés à certains fonds gérés par des banques. Or, depuis début 2007, il y a une hausse des défaillances des emprunteurs dits subprime, c’est-à-dire la catégorie d’emprunteurs ne satisfaisant pas aux critères classiques d’obtention du crédit. C’est ainsi que certaines banques ont dû geler des fonds dont les valeurs avaient chuté de manière vertigineuse.
Ne sommes-nous pas en train de contempler les dégâts d’une nouvelle « défaillance des marchés financiers », lesquels, poussés par l’appât du gain, accordent des prêts fort hasardeux à des taux très élevés ? Cette analyse sera probablement celle de nombreux gouvernements qui trouveront là un bon prétexte pour intervenir en contrôlant de manière toujours plus intrusive l’activité économique.
Pourtant, le niveau des prêts accordés par une banque commerciale dépend aujourd’hui essentiellement de deux variables, les taux directeurs et le niveau des réserves obligatoires, tous deux imposés par la banque centrale.
Il est donc paradoxal que les déterminants principaux de l’activité d’une entreprise privée – la banque commerciale – dépendent directement du bon vouloir d’un acteur public – la banque centrale.
Nous sommes donc en présence d’un système où les banques commerciales cherchent à se faire rémunérer l’argent de leurs déposants en le prêtant, le risque étant pour une large part supporté par les épargnants. Cette déresponsabilisation est accrue par le rôle de prêteur en dernier ressort conféré aux banques centrales, lesquelles préservent les banques commerciales et les fonds d’investissement de la faillite, en créant de la monnaie en période de crise. De cela, il résulte une hausse générale des prix – l’inflation – qui se fait au détriment du pouvoir d’achat des citoyens, mais qui profite aux bénéficiaires du crédit, à savoir essentiellement l’État et les hautes sphères de la finance. L’existence même de la banque centrale est donc une incitation forte pour les institutions financières à prendre d’autant plus de risques qu’elles ont l’assurance de ne pas avoir à assumer les conséquences de ces risques.
Est-ce à dire qu’il faudrait supprimer les banques centrales et, de facto, abolir le monopole public d’émission de la monnaie ? Une telle idée n’est pas aussi iconoclaste qu’elle peut le paraître au premier abord. Ainsi, historiquement, la Banque de France (remplacée aujourd’hui par la Banque centrale européenne) s’est vu accorder le monopole d’émission de la monnaie par Napoléon en 1803, dans une volonté de financer les guerres de conquête avec du papier-monnaie et de contrôler l’ensemble des ressorts du pays. Avant cette date, le système bancaire était libre, c’est-à-dire soumis aux lois de la concurrence et basé sur un actif tangible, l’or. Friedrich von Hayek, récompensé par le prix Nobel d’économie en 1974 pour sa contribution sur le lien entre banque centrale et cycles économiques, publia en 1978 un long article intitulé « Denationalisation of Money », dans lequel il montrait que des monnaies libres seraient moins inflationnistes et stimuleraient beaucoup moins les cycles d’expansion et de krachs que des monnaies publiques. Ce débat est d’une actualité brûlante en ces périodes de crises financières globales répétées, comme le souligne Benn Steil dans son article « The End of National Currency », paru dans Foreign Affairs en mai dernier.
En quoi de telles monnaies auraient-elles pu nous permettre d’éviter la crise financière que nous traversons actuellement ? Des banques qui émettraient leur propre monnaie auraient un intérêt évident à veiller à la solvabilité de leurs prêts. Une banque qui accumulerait des créances douteuses – ce qui est le cas de nombreuses banques actuelles qui sont fortement exposées au cours du subprime – seraient immédiatement sanctionnées par leurs clients qui feraient le choix d’autres banques et d’autres monnaies. Le libre choix est un puissant système de régulation des marchés financiers.
Par la détention d’un monopole sur l’émission de monnaie, les banques centrales imposent à tout citoyen d’un territoire donné l’usage d’une monnaie déterminée, détruisant ainsi tout lien de confiance entre offreur et demandeur de monnaie. Aucune régulation efficiente ne saurait être basée sur d’aussi fragiles principes. Ainsi, puisqu’il semble que le monopole public d’émission de la monnaie soit à l’origine de la crise que nous connaissons aujourd’hui, la question de son abolition mérite d’être posée.
Guillaume Vuillemey, chercheur associé, Institut économique Molinari