Globale contre syllabique, une querelle masquant un vrai problème
Article publié exclusivement sur le site de l’Institut économique Molinari.
Dans l’Éducation Nationale, un débat chasse l’autre. Après la remise en cause de la carte scolaire, la méthode d’apprentissage de la lecture fait l’objet de controverses. Au-delà du décalage flagrant entre les consignes ministérielles et leur application, il existe un vrai problème de fond lié au choix centralisé des méthodes pédagogiques.
Dans l’Éducation Nationale, un débat chasse l’autre. Après la remise en cause de la carte scolaire, la méthode d’apprentissage de la lecture fait l’objet de controverses. Alors que le 3 janvier dernier, le ministre de l’Éducation Nationale incitait les maîtres à écarter résolument « les approches globales de la lecture », un sondage IFOP-SOS Education paru le 11 septembre 2006 rapporte que 93 % des enseignants de cours préparatoire continuent à les utiliser. Au-delà du décalage flagrant entre les consignes ministérielles et leur application, il existe un vrai problème de fond lié au choix centralisé des méthodes pédagogiques.
En matière d’apprentissage de la lecture il existe, comme ailleurs, plusieurs méthodes. Les méthodes à départ global consistent à faire reconnaître aux enfants l’ensemble du mot, avant d’en analyser les éléments. Elles s’opposent aux méthodes syllabiques allant, au contraire, des lettres au mot.
A partir des années 1970, l’Éducation Nationale a privilégié les méthodes à départ global, au détriment des méthodes syllabiques, à l’époque jugées trop ennuyeuses pour les enfants. Or, depuis plusieurs années nombre de parents, inquiets des difficultés rencontrées par leurs enfants dans l’apprentissage de la lecture, reviennent aux méthodes syllabiques. C’est ainsi que près de 80.000 exemplaires de la méthode syllabique Boscher sont vendus chaque année.
C’est dans ce contexte que le Ministre, Gilles de Robien, a pris position en janvier dernier contre les méthodes à départ global, dont le principal inconvénient serait de laisser les élèves dans l’ignorance du fonctionnement du mot.
Pourtant, l’utilisation de ces méthodes n’est certainement pas un mal en soi. Elles présentent à la fois des avantages et des inconvénients, tout comme les méthodes syllabiques, auxquelles on reproche en général de présenter des lettres isolées et des syllabes artificielles. Aussi, si la recommandation de Gilles de Robien rassure nombre de parents, elle va aussi en mécontenter d’autres, préférant les approches globales.
Le problème vient du fait que les parents ne peuvent pas changer leur enfant d’école lorsqu’ils ne sont pas satisfaits des méthodes utilisées par l’enseignant. Ils n’ont aucun moyen de sanctionner des choix pédagogiques qu’ils jugent mauvais.
Lorsqu’on est mal servi chez le boulanger, il est facile de le lui faire savoir, voire d’arrêter d’aller s’approvisionner chez lui. Le boulanger devra donc s’attacher à satisfaire au mieux ses clients s’il veut éviter que sa clientèle fasse appel à un de ses concurrents, ne cesse de consommer du pain ou se mette à le fabriquer elle-même. Ce mécanisme d’incitation, qui n’est autre que celui de la concurrence, permet de répondre au mieux aux préférences des individus. Il est largement absent de l’école française dans laquelle les mécanismes bureaucratiques sont la règle, au détriment de la liberté de choix des parents. C’est pourquoi, ils sont de plus en plus nombreux à s’impliquer dans l’apprentissage de la lecture, méthode Boscher à l’appui, ou à recourir à des tuteurs ou à des écoles privées hors contrat.
Ces possibilités restent cependant l’apanage de quelques uns, ayant du temps ou les moyens de contribuer à la fois au système public et de financer une éducation parallèle. Impuissants, les autres doivent se contenter de constater et de subir les performances médiocres du système éducatif, avec entre 21 à 35 % des élèves entrant en sixième sans avoir acquis les bases de la lecture et de l’écriture, selon un rapport de l’Inspection générale de l’Education Nationale de 1998.
Aucune méthode ne peut être adaptée à tous les enfants et toutes sortes de méthodes doivent être expérimentées, pour répondre le mieux possible aux capacités de chacun. Ce n’est pas en imposant ou bannissant une méthode qu’on améliorera la qualité du système éducatif français. C’est, au contraire, en permettant aux parents de sanctionner les enseignants dans leur capacité à découvrir et à offrir de bonnes méthodes d’enseignement, c’est à dire celles qui conviennent à leurs enfants.
Cécile Philippe, directeur, Institut économique Molinari, chercheur, Centre for the New Europe