Les OPA : un outil indispensable pour discipliner les dirigeants d’entreprise
Article publié exclusivement sur le site de l’Institut économique Molinari.
En annonçant son offre d’acheter les titres de la société Arcelor, l’Indien Lakshmi Mitall a provoqué un véritable tollé aussi bien chez les dirigeants d’Arcelor qu’au sein de la classe politique. Les Offres Publiques d’Achat ont pourtant un rôle extrêmement important à jouer sur le marché et la vive polémique qui entoure cette OPA n’a fait qu’obscurcir le débat.
En annonçant son offre d’acheter les titres de la société Arcelor, l’Indien Lakshmi Mitall a provoqué un véritable tollé aussi bien chez les dirigeants d’Arcelor qu’au sein de la classe politique. Les premiers ont rejeté l’offre lui donnant ainsi le statut « d’OPA hostile » et les seconds, presque unanimes sur la question, n’hésitent pas à recommander que l’État reconquiert « les moyens de protéger les secteurs stratégiques comme la sidérurgie » (Jacques Myard, UMP, Yvelines). Les Offres Publiques d’Achat ont pourtant un rôle extrêmement important à jouer sur le marché et la vive polémique qui entoure cette OPA n’a fait qu’obscurcir le débat.
L’été dernier, alors qu’on prêtait à Pepsi l’intention de racheter Danone, Thierry Breton déclarait : « la première responsabilité d’un chef d’entreprise est d’éviter une OPA ». Cette affirmation est tout à fait juste car elle signifie tout simplement qu’il est de la mission d’un patron de gérer le plus efficacement possible l’entreprise qu’il dirige. Lorsque cette gestion laisse à désirer ou qu’il existe des moyens de la rendre plus efficace, l’entreprise devient une cible possible à tout entrepreneur qui découvrirait ces moyens.
En faisant connaître publiquement aux actionnaires d’Arcelor son souhait d’acquérir leurs titres, Mr. Mittal a révélé au marché qu’il pensait connaître des recettes plus efficaces pour gérer l’entreprise européenne de sidérurgie. Par conséquent, on apprenait aussi que les actuels dirigeants de la société ne gèrent pas nécessairement l’entreprise de la façon la plus rentable.
Il apparaît donc présomptueux de la part de M. Dollé d’affirmer que ses employeurs, à savoir les actionnaires, n’ont pas besoin de Mittal et illégitime d’appeler au secours les pouvoirs politiques. Ce dont il est question ici, c’est de savoir si la gestion des dirigeants d’Arcelor sera ou non sanctionnée par les actionnaires qui doivent juger s’il est opportun en transférant le capital à M. Mitall. Ce n’est pas en essayant de se protéger contre cette sanction grâce au pouvoir politique, que le président d’Arcelor pourra convaincre de sa supériorité dans le management de cette entreprise. Au contraire, une telle action indique qu’il essaye d’échapper au processus de concurrence au niveau du management dont on reconnaît généralement qu’il est favorable aux consommateurs.
Il est certain que les craintes des dirigeants sont fondées car l’OPA dont il est question aujourd’hui a été émise par l’un des acteurs les plus dynamiques dans le secteur et qui, à plusieurs reprises, a montré sa capacité à innover et relever des entreprises en déclin. Ainsi, avant même que cette pratique soit reconnue dans cette industrie, Mittal n’a, semble-t-il, pas hésité à investir dans des mini aciéries plus efficaces utilisant de la ferraille pour fabriquer des produits moyen de gamme. Il aurait aussi été pionnier dans la fabrication d’un matériel nouveau à base de fer moins cher et substituable à la ferraille. Ses prouesses dans le domaine de l’acier et l’intérêt qu’il porte à Arcelor peuvent laisser penser qu’il a aussi trouvé dans le cas de cette entreprise des méthodes innovantes de management capables d’améliorer la rentabilité de l’entreprise.
Les grandes entreprises rassemblent différentes unités, branches ou départements dont certaines peuvent être plus profitables que d’autres. Il revient au patron d’identifier les branches rentables de celles qui ne le sont pas. S’il failli à cette tache, il risque de mettre fin à son emploi en étant rattrapé par un concurrent qui aura su discerner les problèmes et ne tolérera pas qu’ils subsistent.
La tentation de se soustraire à ce processus de concurrence dans le management n’est pas une exception française ni européenne. Elle a débuté en 1967 aux États-Unis avec le Williams Act qui se proposait de réglementer des offres de rachat qui jusque là se faisaient rapidement et facilement. En rendant plus difficile le rachat des entreprises, le pouvoir politique nuit au processus de transfert de la propriété et du contrôle du capital dans des mains plus expertes. Redouté par les personnes en place, il est cependant favorable aux actionnaires et au plus grand nombre des consommateurs.
Cécile Philippe, Directeur, Institut Economique Molinari