La dette publique est-elle un fardeau pour les générations futures ?
Article publié exclusivement sur le site de l’Institut économique Molinari.
« La France vit au-dessus de ses moyens », nous disait Thierry Breton l’année dernière. Depuis, le rapport Pébereau est venu nourrir l’alarmisme vis-à-vis de cette dette estimée à 1117 milliards d’euros en 2005, soit 66% du PIB et environ 18000 euros par Français.
« La France vit au-dessus de ses moyens », nous disait Thierry Breton l’année dernière. Depuis, le rapport Pébereau est venu nourrir l’alarmisme vis-à-vis de cette dette estimée à 1117 milliards d’euros en 2005, soit 66% du PIB et environ 18000 euros par Français. L’analogie du ménage endetté emporte un vif succès, image souvent déclinée sur le thème du « fardeau légué à nos enfants », mais elle n’aide pas à appréhender correctement le problème. La dette publique est effectivement une menace pour la prospérité des générations futures mais envisager d’en sortir par le haut exige des explications, non des slogans.
Les enfants d’un ménage vivant constamment à crédit doivent un jour ou l’autre hériter des dettes de leurs parents, c’est vrai. Cependant, on ne peut pas transposer directement ce constat à « la France » ? Comme l’ont fait remarquer Jean-Jacques Chauvigné, Marc Dolez et Gérard Filoche du Parti socialiste (Le Monde, 21.01.06) , lorsque quelqu’un est endetté, une créance équivalente est dans les mains de quelqu’un d’autre.
Si des enfants héritent de dettes à l’avenir, d’autres enfants hériteront des créances. A échéance, les premiers devront supporter le fardeau et les seconds empocher le magot. Autrement dit, la dette ne sera pas un fardeau pour tout le monde. Peut-on alors en conclure qu’à l’échelle de la Nation, la dette n’aura pas de conséquences défavorables sur la prospérité, les gains des uns compensant les pertes des autres ? Certainement pas.
Pour saisir ce qui est en cause ici, il convient de commencer par le plus simple. Les créanciers de l’Etat investissent dans une taxation future. L’endettement public est donc la promesse d’une fiscalité plus lourde qu’elle ne le serait autrement à l’avenir. Bien entendu, de la même manière que des dettes supposent des créances, les recettes fiscales ont pour contrepartie des dépenses publiques, mais il serait erroné de croire que ce processus de redistribution obligatoire ne fait que prendre à Paul pour donner à Pierre sans plus affecter leurs pouvoirs d’achat respectifs.
Les effets de la redistribution ne peuvent pas se résumer à de simples transferts de richesses, car tout ce qui peut être redistribué doit d’abord être produit. Lorsque les revenus du travail et de l’investissement sont réduits par la taxation, la décision de travailler ou d’investir est affectée. Les coûts associés à ces activités sont accrus et l’activité productive est diminuée en conséquence.
Les revenus monétaires perdus par les uns en recettes fiscales sont certes gagnés par d’autres, les bénéficiaires des dépenses publiques, mais là encore, le processus décourage la production. En offrant la possibilité d’obtenir des revenus prélevés sur les autres plutôt que gagnés dans l’échange en contrepartie d’actes productifs, il devient relativement moins payant de mobiliser son énergie au service des autres et relativement plus payant de se positionner du « bon côté » du budget, c’est-à-dire d’encaisser l’argent public.
Plus la taxation et les dépenses correspondantes sont élevées, plus la production est désavantagée et le pouvoir d’achat amputé. Les revenus monétaires de la redistribution étant eux aussi réduits par la baisse du pouvoir d’achat de la monnaie, il y a de moins en moins de gagnants et de plus en plus de perdants dans le processus, y compris parmi ceux qui vivent exclusivement des largesses de l’État, car de plus en plus de personnes se partagent une production déclinante. L’endettement public étant la promesse d’une taxation accrue à venir, c’est le pouvoir d’achat des générations futures qu’on décide aujourd’hui de grever.
Les différentes façons de réduire la dette ne se valent donc pas. Contrairement à ce que prétendent Messieurs Chauvigné, Dolez et Filoche, ce n’est pas la diminution des dépenses publiques mais au contraire leur hausse qui « détruit le lien social », « marginalise les plus pauvres », et « multiplie les ghettos », car la redistribution obligatoire impliquée est destructrice des efforts productifs de tous, créant un cercle vicieux de l’appauvrissement généralisé. La solution de la hausse des impôts reviendrait à soigner le mal par le mal puisqu’elle consisterait à faire tout de suite ce qu’il faut éviter à l’avenir. Seule la diminution des dépenses publiques permettrait de sortir par le haut de la spirale de l’endettement public.
Xavier Méra est chercheur associé à l’Institut Economique Molinari.