L’interdiction des OGM nous prive de technologies aux bénéfices bien réels
Article publié par Le Temps le 13 avril 2007.
Alors que la France vient de transposer, avec cinq ans de retard, la directive européenne portant sur la dissémination des Organismes génétiquement modifiés (OGM), selon un sondage de TNS-Sofrès, 66% des Français continuent de penser qu’il faut interdire la culture des OGM en plein champ.
Alors que la France vient de transposer, avec cinq ans de retard, la directive européenne portant sur la dissémination des Organismes génétiquement modifiés (OGM), selon un sondage de TNS-Sofrès, 66% des Français continuent de penser qu’il faut interdire la culture des OGM en plein champ. C’est à eux que la candidate socialiste aux élections présidentielles, Ségolène Royal, s’est récemment adressée en proposant un moratoire immédiat sur leur dissémination. L’interdiction et, dans une moindre mesure, la demande d’autorisation relative à leur dissémination que consacrent les deux nouveaux décrets publiés le 20 mars 2007 ont un coût important. En effet, ces dispositions nous privent ou ne nous laissent bénéficier qu’au compte-gouttes de technologies porteuses de bénéfices réels au nom de risques hypothétiques.
À cet égard, il faut reconnaître que la dissémination d’OGM après un lourd processus administratif (comprenant aussi une obligation d’étiquetage) présente plus de souplesse et moins de dangers que leur interdiction pure et simple. Il est cependant important de rappeler que les procédures d’autorisation par les autorités publiques non seulement retardent et rendent plus coûteuse la commercialisation de nouvelles technologies, mais elles présentent aussi le danger de ne privilégier que les projets les plus conservateurs. Elles risquent de commettre l’erreur de croire qu’un OGM inoffensif est dangereux et donc de ne pas l’autoriser.
Pourquoi? Parce que les décideurs en matière d’autorisation sont des hommes comme les autres. Comme dans tout autre domaine, ils sont au service de leurs concitoyens dans la mesure où cela sert aussi leur intérêt personnel. Or, celui-ci dépend des budgets que leur agence obtient des hommes politiques, qui eux sont affectés par les scandales médiatiques. De ce point de vue, il est beaucoup moins risqué d’interdire un OGM plutôt que de l’autoriser dans la mesure où les victimes d’un produit non autorisé ne sont pas identifiables.
Il y a donc fort à craindre que cet assouplissement dans la réglementation ne soit qu’un pis-aller à leur interdiction. Contrairement aux idées reçues, il est approprié de parler de craintes et de dangers lorsqu’on envisage d’interdire ou de retarder la dissémination des OGM car on se prive, par ces mesures, de leurs nombreux bénéfices. Sans eux, on risque d’exposer davantage les populations aux aléas de la nature et limiter leurs moyens de réagir et de s’adapter.
Certains OGM semblent d’ores et déjà apporter des bénéfices réels. Le riz doré, par exemple, aurait l’avantage de produire du bêta-carotène, précurseur de la vitamine A et pourrait contribuer à résoudre les problèmes de cécité et de malnutrition dans le monde.
De même des scientifiques américains ont récemment réussi à créer un moustique transgénique qui ne peut pas transmettre le paludisme aux souris. Dans le cadre d’une expérience, les chercheurs ont pu démontrer que ce moustique avait une espérance de vie supérieure et une meilleure fécondité que les moustiques conventionnels, deux caractéristiques qui ont pu leur permettre de remplacer progressivement ces derniers. Lorsque l’on sait que 1 à 2,5 millions de personnes meurent chaque année du paludisme, on comprend les bénéfices immenses que pourrait apporter un tel moustique génétiquement modifié incapable de transmettre la maladie aux hommes. Encore hypothétiques, ils pourraient le rester si des bureaucrates décidaient de ne pas l’autoriser.
Au-delà de leurs apports alimentaires, les OGM pourraient offrir une solution à un défi important dans les prochaines années: celui de nourrir 10 milliards d’être humains sur Terre. En effet, les OGM auraient le potentiel d’augmenter la productivité des superficies cultivées. Or, il faut bien réaliser que c’est l’agriculture intensive, par ses gains de productivité, qui a permis de nourrir une population toujours plus importante sans pour autant y consacrer des surfaces de culture proportionnellement plus grandes. Il semble que si nous avions encore à ce jour le niveau de productivité atteint en 1950, nous aurions dû cultiver 24 millions de km2 de forêts et de terres sauvages en plus.
En dépit de leurs très nombreux avantages, les OGM continuent de cristalliser de nombreuses craintes qui pourtant sont peu fondées car aucun effet indésirable n’a pu être identifié du fait de leur utilisation des OGM. Les Américains consomment des produits génétiquement modifiés depuis plus d’une dizaine d’années, sans qu’aucune crise alimentaire se soit produite. En 2003, Lester Crawford de la Food and Drug Administration (FDA) soulignait « qu’il n’y a pas eu une seule réaction négative à la nourriture biotechnologique » et d’ajouter « qu’entre-temps il y a eu des dizaines de milliers de réactions à l’alimentation traditionnelle ». En dépit de ce constat, les procédures administratives empilent les obligations à l’égard des producteurs et importateurs d’OGM, en particulier celui d’étiqueter les produits dès lors que les organismes génétiquement modifiés sont présents dans une proportion supérieure à 0,9%. Il semble a priori normal d’informer les consommateurs sur ce qu’ils ont dans leur assiette. On peut cependant se demander le pourquoi de cette obligation. En effet, si cette demande d’information des consommateurs est réelle, il est évident que les vendeurs de produits non-OGM auront intérêt à y répondre et à informer les consommateurs de leurs produits qu’ils sont exempts d’OGM. L’obligation, à l’image du principe de précaution dont elle s’inspire, inverse la charge de la preuve, et fait peser sur les OGM une suspicion qui relève davantage de peurs que de dangers avérés.
En jetant systématiquement le doute sur cette technologie qu’est le génie génétique, on nous prive des produits et innovations qui auraient vu le jour depuis longtemps et on nous fait courir des risques qu’il est dangereux d’ignorer.
Cécile Philippe, directeur général, Institut économique Molinari