Libérons la croissance française en nous inspirant des politiques qui ont sauvé la Nouvelle-Zélande
Texte d’opinion publié le 4 juillet 2017 dans L’Opinion.
L’économie française est sclérosée depuis de longues années. Les privilèges accordés aux uns et aux autres au détriment de la croissance se reflètent dans l’hyper-codification du droit du travail, le poids de la fiscalité ou encore l’immensité des dépenses sociales. Le chômage est catastrophique — d’autant qu’il touche surtout les moins de 25 ans et les plus de 50 ans. La maison France, ne pouvant générer les revenus fiscaux nécessaires à son train de vie, vit aussi à crédit sur une dette publique avoisinant les 100 % du PIB.
Un indicateur, rarement discuté dans les médias, éclaire particulièrement la gravité de la situation : celui de la liberté économique. La France est respectivement classée 57e et 72e mondiale dans les deux indices qui mesurent cette liberté — «Economic Freedom of the World» et «Index of Economic Freedom», et sa position se dégrade régulièrement. Cette situation témoigne d’une véritable calcification de l’économie française, qui tourne le dos à la flexibilité et au dynamisme. L’accroissement du revenu français par tête reste faible car il existe une causalité directe entre liberté économique et richesse par habitant : on assiste ainsi à un lent appauvrissement relatif de la population.
La situation est grave, mais pas encore désespérée ! Dans les années 1980, la Nouvelle-Zélande a aussi connu la quasi-faillite. Les parallèles avec la France de 2017 sont nombreux. L’économie néo-zélandaise était alors protégée de toutes parts — entre licences d’importation, subventions aux pêcheries, à l’agriculture (son industrie principale) ou encore aux entreprises publiques déficitaires. Les réglementations du marché du travail n’avaient pour objectif que d’apaiser les syndicats ; la dette nationale explosait. Alors que le PIB par habitant avait été historiquement supérieur à celui de l’Australie, il s’est effondré au début de la décennie 1980. La Nouvelle-Zélande était prise dans un carcan dirigiste qui étouffait l’initiative individuelle et la prospérité économique.
Gestion de l’Etat. En 1984, les électeurs ont porté le Parti travailliste au pouvoir avec David Lange au poste de Premier ministre et Roger Douglas aux Finances. Ils décidèrent d’engager des réformes de grande ampleur, sans équivalent dans les pays de l’OCDE. Elles touchèrent tous les secteurs de l’économie néo-zélandaise à travers la fiscalité, le droit du travail, la privatisation et la déréglementation des industries (suppression des subventions comprise), le commerce international, la politique monétaire, la gestion de l’Etat et la qualité des dépenses publiques.
La liste est longue, mais soulignons trois domaines clés. Primo, la réforme fiscale : elle a supprimé les droits de succession et introduit une TVA à taux unique de 10 %, ainsi qu’une forte baisse des taux d’imposition maximum sur le revenu (plafonnés à 33 %) accompagnée d’un élargissement de l’assiette. Alors qu’en France, seulement 45 % des ménages paient l’impôt sur le revenu, en Nouvelle-Zélande ce chiffre est de… 100 %, ce qui permet d’accroître l’activité économique sans pour autant réduire les recettes fiscales.
Secundo, le droit du travail : en 1991, le gouvernement a décidé de réintroduire la liberté des contrats, ce qui a mis fin à la rigidité du marché du travail en supprimant, notamment, les conventions collectives par industrie. En 1990, le chômage dépassait les 11 %. En 1996, il n’était plus que de 6 %, et en 2004 de 4 % ! Aujourd’hui, il se situe à moins de 5 %. Notons que le statut de fonctionnaire a été quasiment aboli. Ainsi, le gouvernement peut embaucher des travailleurs du privé, et les employés de l’Etat peuvent à l’inverse changer aisément de carrière s’ils le souhaitent.
Transparence et responsabilité. Tertio, la dépense publique : les lois de 1989 et 1994 ont posé le cadre d’une limitation des dépenses publiques et de la gestion du budget national via des principes de transparence et de responsabilité de long terme, au-delà de l’exercice en cours. Résultat : le budget a été excédentaire entre 1993 et la crise de 2008, puis de nouveau depuis 2015. Le pays est aussi classé premier dans la « corruption perception index », avec l’indice de corruption le moins élevé au monde.
Aujourd’hui, et même s’il reste encore beaucoup à faire, l’économie néo-zélandaise est classée troisième dans les deux indices qui mesurent la liberté économique, et huitième dans le « world happiness report ». Avec un taux de croissance de 3,96 % en 2016, elle est parmi les économies les plus dynamiques au monde. Tout cela est le fruit d’efforts dans la durée, mais aussi et surtout du courage de deux hommes qui ont engagé des réformes d’envergure, et ce malgré la tyrannie du statu quo.
Messieurs Philippe et Le Maire, le temps n’est plus aux hésitations. Il faut maintenant s’élever au-dessus des querelles idéologiques et s’inspirer de l’expérience de Lange et Douglas — deux membres du Parti travailliste — qui comprirent que la prospérité de leur pays passait par une grande liberté économique. Il n’y a pas d’autre chemin !
Frédéric Sautet est professeur à l’Université Catholique de Washington DC et chercheur associé à l’Institut économique Molinari.